Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/226

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mença à exprimer quelque crainte d’avoir dépassé le lieu où le guide devait les rejoindre, accident très-sérieux, et dont, si véritablement il était arrivé, on devait appréhender les conséquences les plus désagréables.

Tandis qu’il hésitait pour savoir s’il enverrait en arrière un de ses gens, afin de s’assurer de la vérité, il entendit sonner du cor, et regardant du côté d’où venait le son, il aperçut un cavalier qui accourait vers lui à toute bride. La petite taille, la longue crinière, l’air sauvage et indompté de l’animal qu’il montait, rappelèrent à Quentin la race des chevaux de montagne de son pays ; mais celui-ci était beaucoup mieux fait, et avec la même apparence de force jointe à l’habitude de la fatigue, il avait plus de rapidité dans ses mouvements. La tête, surtout, qui dans le petit cheval écossais est souvent lourde et paraît une masse informe, était petite et bien placée sur le cou de l’animal, dont les lèvres étaient fines, les yeux étincelants et les naseaux bien ouverts.

Le cavalier avait l’air encore plus étranger que le cheval qu’il montait, quoique celui-ci ne ressemblât nullement aux chevaux de France. Ses pieds pesaient dans de larges étriers, dont la forme tenait un peu de celle d’une pelle, et tenus si courts que ses genoux étaient presque aussi élevés que le pommeau de la selle. Cependant il maniait son palefroi avec beaucoup de dextérité. Il portait sur la tête un petit turban rouge, orné d’un panache fané qu’assujettissait une agrafe d’argent. Sa tunique, qui avait la forme de celles des Estradiotes, troupes que les Vénitiens levaient à cette époque dans les provinces situées à l’est de leur golfe, était de couleur verte et garnie de galons d’or usés et ternis. Les plis d’un large pantalon blanc, assez malpropre pour ne plus être digne de cette épithète, étaient réunis et serrés au-dessous de ses genoux, et ses jambes noires étaient entièrement nues, sauf la multitude des bandelettes qui attachaient à ses pieds une paire de sandales. Il n’avait pas d’éperons, les bords de ses larges étriers étant assez tranchants pour piquer les flancs de son cheval d’une manière sensible. La ceinture cramoisie de ce singulier cavalier soutenait à droite un poignard, à gauche un sabre moresque à lame recourbée, et le cor qui avait annoncé son arrivée était suspendu à un baudrier terni qui passait sur son épaule. Il avait le visage basané et brûlé par le soleil, la barbe peu épaisse, les yeux noirs et perçants, la bouche et le nez bien formés ; enfin ses traits en général auraient pu passer pour assez beaux, si ce