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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/225

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n’avait que quinze ans (car la bonne dame en avait au moins trente-cinq, s’il faut en croire les mémoires de cette noble famille), soit qu’elle crût n’avoir pas rendu à leur jeune protecteur toute la justice qu’il méritait, d’après la manière dont elle avait primitivement jugé ses services, il est certain qu’elle commença à le regarder d’un œil plus favorable.

« Ma nièce vous a donné un mouchoir pour bander votre blessure, lui dit-elle ; je vous en donnerai un pour honorer votre bravoure et pour vous encourager à faire de nouveaux progrès dans l’art de la chevalerie. »

À ces mots elle lui donna un mouchoir richement brodé en soie bleue et en argent, et, lui montrant la housse de son palefroi, ainsi que les plumes qui ornaient son bonnet de voyage, elle le pria de remarquer que les couleurs en étaient les mêmes.

L’usage du temps faisait une loi et prescrivait la manière de recevoir une pareille faveur, et Quentin s’y conforma en attachant le mouchoir autour de son bras ; cependant il mit dans cet acte de reconnaissance plus de gaucherie et moins de galanterie qu’il ne l’aurait fait dans une autre circonstance et devant d’autres personnes ; car, bien qu’en se parant des couleurs d’une dame, accordées de cette manière, il ne fît qu’une sorte de compliment qui ne tirait pas à conséquence, il aurait de beaucoup préféré jouir du droit de porter à son bras le mouchoir qui couvrait la blessure que lui avait faite l’épée de Dunois.

Cependant on se remit en route, et Quentin se tenait à côté des dames de Croye, qui paraissaient l’avoir tacitement admis dans leur société. Néanmoins il ne parla que peu ; son âme était remplie de ce sentiment intime de bonheur qui craint de se manifester au dehors avec trop d’abandon. La comtesse Isabelle parla encore moins, en sorte que la conversation fut principalement soutenue par sa tante, qui ne paraissait nullement disposée à la laisser languir ; car pour initier, disait-elle, le jeune archer dans les principes et la pratique de la chevalerie, elle fit avec le plus grand détail la description de la passe d’armes d’Haflinghem, dans laquelle elle avait distribué les prix aux vainqueurs.

Ne prenant qu’un faible intérêt, je suis fâché de le dire, au récit de ce spectacle splendide ainsi qu’à la description des emblèmes et des couleurs héraldiques des chevaliers flamands et allemands, que la comtesse expliquait en termes de blason avec une exactitude minutieuse et sans pitié pour ses auditeurs, Quentin com-