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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/229

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d’un air insouciant et d’un ton laconique le guide, qui ne parut ni offensé ni surpris de l’emportement du jeune homme. — « Êtes-vous donc païen ; qu’êtes-vous enfin ? — Je ne professe aucune religion. »

Durward recula étonné ; car, quoiqu’il eut entendu parler de Sarrasins et d’idolâtres, il ne lui était jamais venu à l’idée qu’il pût exister une association d’hommes qui ne suivissent aucun culte. Cependant il revint de sa surprise, et demanda à son guide où il habitait ordinairement. — Partout où je me trouve, répliqua le Bohémien ; je n’ai pas de résidence fixe. — Comment conservez-vous ce qui vous appartient ? — À l’exception des habits que je porte et du cheval que je monte, je ne possède rien au monde. — Cependant votre habillement ne manque pas d’élégance et votre cheval est excellent. Quels sont vos moyens d’existence ? — Je mange quand j’ai faim, je bois quand j’ai soif, et je n’ai d’autres moyens d’existence que ceux que le hasard me fait rencontrer. — Sous les lois de qui vivez-vous ? — Je ne dois obéissance à personne qu’autant que cela me convient. — Qui est votre chef ? qui vous commande ? — Le père de notre tribu, s’il me plaît de lui obéir ; je ne connais point d’autre chef. — Vous êtes donc dépourvus de tout ce qui réunit les autres hommes ? » dit Quentin dont la surprise allait toujours croissant. « Vous n’avez ni lois, ni chef, ni moyens assurés d’existence, ni maison, ni demeure. Vous n’avez (que le ciel ait pitié de vous !), vous n’avez point de patrie, et (veuille l’Être suprême vous éclairer et vous pardonner !) vous n’avez point de Dieu. Que vous reste-t-il, privés comme vous l’êtes de gouvernement, de bonheur domestique et de religion ? — La liberté. Je ne rampe devant personne ; je n’obéis à personne ; je ne respecte personne. Je vais là où je veux, je vis comme je peux, et je mourrai quand mon heure sera venue. — Mais vous êtes exposé à être mis à mort à chaque instant, suivant le bon plaisir du juge. — Soit ! ce n’est que mourir un peu plus tôt. — Mais vous êtes exposé aussi à être emprisonné ; et où est alors cette liberté dont vous vous vantez ? — Dans mes pensées, qu’aucune chaîne ne peut entraver ; tandis que les vôtres, même lorsque vos membres sont libres, restent enchaînées par vos lois et par vos superstitions, par vos rêves d’attachement local, par vos visions fantastiques de politique civile : moi, mon esprit est libre lors même que mes membres sont enchaînés ; vous, votre esprit est captif lors même que vos membres jouissent de toute leur liberté. — Toutefois, la liberté de votre