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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/236

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« C’est un sujet, sur lequel personne ne parle qu’avec répugnance, répondit le prieur ; car ceux qui disent du mal des puissants de la terre, etiam in cubiculo, courent le danger qu’un messager ailé ne porte ces discours jusqu’à leurs oreilles. Toutefois, pour vous rendre, à vous qui paraissez un jeune homme franc et loyal, ainsi qu’à ces dames, qui sont de pieuses servantes du Seigneur, et qui accomplissent en ce moment un saint pèlerinage, pour vous rendre, dis-je, les faibles services qui sont en mon pouvoir, je vais vous parler sans aucune réserve. »

Il regarda alors autour de lui avec un air de précaution ; puis baissant la voix, comme s’il eût craint d’être entendu :

« Les Liégeois, dit-il, sont secrètement excités à leurs fréquentes révoltes par des hommes de Bélial, qui prétendent, mais faussement, je l’espère, avoir mission de notre roi très-chrétien, que je crois trop digne de ce titre pour troubler ainsi la paix d’un état voisin. Et cependant son nom est ouvertement employé par ceux qui soutiennent et allument le mécontentement parmi les habitants de Liège. Il y a en outre dans le pays un seigneur de bon lignage et qui jouit d’une grande renommée comme homme, dans la guerre ; mais qui n’en est pas moins, pour ainsi dire, lapis offensionis et petra scandali, une pierre d’achoppement pour la Bourgogne et la Flandre : son nom est Guillaume de la Marck. — Surnommé Guillaume le Barbu, ou le Sanglier des Ardennes, dit le jeune Écossais. — Et c’est avec raison qu’on lui a données nom, mon fils, car il est comme le sanglier de la forêt, qui foule sous ses pieds tout ce qu’il rencontre et le déchire avec ses défenses. Il s’est formé une bande de plus de mille hommes, tous semblables à lui, c’est-à-dire méprisant toute autorité civile et religieuse ; avec leur assistance, il s’est déclaré indépendant du duc de Bourgogne, et vit, lui et ses partisans, de rapines et de violences, qu’il exerce indistinctement sur les ecclésiastiques et sur les laïques : Imposuit manus in christos Domini : il a porté la main sur les oints du Seigneur, au mépris de ce qui est écrit : Ne touchez pas à mes oints, et ne faites pas d’injures à mes prophètes ; jusqu’à notre pauvre maison à laquelle il a fait demander des sommes d’or et d’argent pour rançon de notre vie et de celle de nos frères, demande à laquelle nous avons répondu par une supplique en latin, dans laquelle nous exposions l’impossibilité où nous sommes de satisfaire à sa réquisition, et nous l’exhortions par ces paroles du prédicateur : Ne moliaris amico tuo malum cum