Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/251

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leur qu’il ne faut pour un païen qui tourne en dérision notre sainte religion ainsi que ses ministres. — Ce lit a cependant été plus agréable à mon Klepper qu’à moi, » répondit Hayraddin en caressant de la main le cou de son cheval ; « car il avait en même temps gîte et nourriture. Ces vieux fous de tondus l’ont mis à la porte de leur maison, comme si le cheval d’un homme sage eût pu infecter de son esprit ou de sa sagacité toute une congrégation d’ânes. Par bonheur que Klepper connaît mon sifflet et suit ma trace comme un chien de chasse, car nous ne nous serions jamais rencontrés ; et vous auriez pu siffler tout à votre aise pour retrouver un guide. — Je t’ai recommandé plus d’une fois, » répondit Durward avec sévérité, « de mettre un frein à la licence de tes discours quand tu te trouves dans la compagnie de gens respectables, ce qui, je pense, ne t’était guère arrivé jusqu’à ce jour, et je t’assure que si je te croyais un guide aussi peu fidèle que je suis persuadé que tu es un blasphémateur et un indigne pendard, mon épée écossaise ferait bientôt connaissance avec ton cœur de païen, quoiqu’une telle action soit presque aussi ignoble que celle de tuer un pourceau. — Le sanglier est proche parent du pourceau, » répondit le Bohémien sans être intimidé du regard que Quentin lui lançait, et sans changer en la moindre chose l’indifférente causticité qu’il affectait de mettre dans ses paroles ; « et pourtant, ajouta-t-il, beaucoup de gens trouvent gloire, plaisir, et profit à le tuer. »

Surpris de l’effronterie de cet homme et craignant qu’il ne sût de sa propre histoire et de ses sentiments plus qu’il ne jugeait convenable qu’il en apprît, Quentin rompit une conversation dans laquelle le Maugrabin aurait eu tout l’avantage, et alla reprendre son poste accoutumé auprès des dames.

Nous avons déjà remarqué qu’il commençait à s’établir entre les voyageurs un certain degré de familiarité. La comtesse Hameline, bien assurée de la noblesse et de la naissance de leur protecteur, le traitait en égal et en favori ; et quoiqu’Isabelle lui laissât voir moins ostensiblement l’estime qu’elle faisait de lui, Quentin, malgré la réserve timide et la modestie qui le distinguait, n’était pas sans s’apercevoir que sa compagnie et sa conversation n’étaient point du tout indifférentes à cette jeune dame.

Rien n’anime la gaieté de la jeunesse comme la persuasion qu’elle est vue de bon œil ; aussi Quentin, pendant la première partie de son voyage, avait-il pris plaisir à amuser la belle et jeune comtesse,