Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/311

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terreurs de la nuit dernière, la comtesse Isabelle eût la force de se mettre en voyage, nous n’ajouterions pas à l’indiscrétion que nous avons commise en demeurant plus long-temps en ces lieux. — Fort bien ! dit Pavillon ; voilà justement ce que la jeune dame a dit elle-même à la mère Mabel : oh ! j’aurais voulu que vous eussiez vu les couleurs qui lui couvraient le visage pendant qu’elle parlait ainsi. Une laitière qui a patiné pendant cinq milles contre le vent du nord, pour se rendre au marché, a les joues blanches comme un lis, en comparaison. Je ne suis pas surpris que la mère Mabel ait un peu de jalousie. Pauvre chère âme ! — La comtesse est-elle donc sortie de son appartement ? » demanda Quentin en continuant sa toilette avec plus de promptitude encore. — « Certainement, répondit Pavillon, et elle vous attend avec impatience, pour déterminer quelle route vous prendrez, puisque tous deux vous êtes déterminés à partir. Mais je me flatte que vous ne nous quitterez pas avant d’avoir déjeuné. — Pourquoi ne m’avez-vous pas dit cela plus tôt ? » s’écria Durward d’un air d’impatience. « Hé ! là, là, je crois que je vous en ai parlé trop tôt, puisque cela vous met tout hors de vous. Maintenant je vous dirais bien quelque chose à l’oreille si je croyais que vous eussiez assez de patience pour me prêter un peu d’attention. — Parlez, mon cher monsieur, parlez, je vous écoute de toutes mes oreilles. — Eh bien donc, je n’ai qu’un seul mot à vous dire, et le voici : c’est que Trudchen, qui a autant de chagrin de quitter la jolie dame de là-haut que si c’était sa propre sœur, désire que vous changiez de costume ; car on dit dans la ville que les dames de Croye courent le pays en habit de pèlerines, escortées d’un archer écossais de la garde du roi de France ; une d’elles, ajoute-t-on, a été ramenée la nuit dernière à Schonwaldt par un Bohémien, à l’instant où nous venions d’en partir : et ce Bohémien a affirmé à Guillaume de la Marck que vous n’aviez aucune mission ni pour lui ni pour le bon peuple de Liège ; que vous aviez enlevé la jeune comtesse, et que vous voyagiez avec elle comme son chevalier. Toute cette histoire nous est arrivée ce matin de Schonwaldt, à moi et aux autres conseillers, et nous ne savons trop que faire ; car, quoique nous pensions que Guillaume de la Marck en a mal agi envers l’évêque et envers nous-mêmes, cependant on le reconnaît en général comme un brave et honnête homme au fond… lorsqu’il est à jeun, s’entend… et comme le seul homme au monde qui soit capable de nous commander contre le duc de Bourgogne ; et, en vérité, dans l’état où