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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/312

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sont les choses, je suis très-porté à croire que nous devons éviter de nous mettre mal avec lui, car nous avons été trop avant pour rétrograder.

Quentin se garda bien de faire à Pavillon aucun reproche ni aucune observation, car il sentait que rien ne pourrait faire changer la résolution du digne magistrat, résolution qui lui avait été dictée par la volonté de sa femme autant que par ses opinions comme homme de parti.

« Votre fille a ouvert un avis fort sage, lui dit-il ; il faut que nous partions à l’instant même, et déguisés. Nous pouvons, j’espère, compter sur vous pour le secret si nécessaire en cette occasion, et pour les moyens de favoriser notre fuite ? — De tout mon cœur, » répondit le brave citadin, qui, presque honteux de sa conduite, désirait trouver quelque moyen d’en expier le peu de dignité ; « de tout mon cœur. Je ne puis oublier que je vous ai dû deux fois la vie la nuit dernière : la première, quand vous m’avez débarrassé de cette maudite armure ; la seconde, quand vous m’avez tiré d’autres filets bien plus dangereux encore, car ce Sanglier et ses marcassins ressemblent plutôt à des diables qu’à des hommes. Je vous serai aussi fidèle que la lame l’est à la poignée, comme disent nos couteliers, qui sont les plus habiles de la terre. À présent que vous êtes prêt, venez avec moi, et vous allez voir combien j’ai confiance en vous. »

Sortant de la chambre où Quentin avait couché, le syndic le conduisit dans le cabinet où était renfermée sa caisse, et où se faisaient toutes les affaires relatives à son négoce. Après en avoir soigneusement fermé la porte au verrou, il regarda autour de lui avec précaution, ouvrit un cabinet voûté dont la porte était cachée par la tapisserie, et dans lequel se trouvaient plusieurs coffres-forts en fer. Il en ouvrit un qui était plein de guilders, et le mettant à la discrétion de Quentin, il lui dit de prendre la somme qu’il jugerait nécessaire, tant pour lui que pour sa compagne de voyage. Comme Quentin avait dépensé presque tout l’argent dont il avait été pourvu lors de son départ du Plessis, il accepta deux cents guilders sans hésiter. Pavillon se sentit dès lors soulagé d’un poids accablant, car il regardait cet argent, à la perte duquel il s’exposait volontairement, comme une expiation pour le manque d’hospitalité que diverses considérations le forçaient si impérieusement de commettre.

Après avoir refermé avec soin la caisse et le cabinet qui renfer-