Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/339

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conduite de son prisonnier pendant la soirée précédente, lorsqu’irrité de sa situation pénible, il avait gardé le silence avec humeur, ou riposté avec fierté.

Le vieux chevalier commença enfin à faire quelque attention à lui, et à le regarder comme un jeune homme dont il était possible de faire quelque chose ; il lui donna même à entendre assez clairement que, s’il voulait quitter le service du roi de France et renoncer à son grade d’archer de la garde, il lui ferait obtenir de l’emploi dans la maison du duc de Bourgogne, où il serait traité honorablement, et qu’il veillerait lui-même à son avancement. Quentin, avec toutes les expressions de reconnaissance convenables, refusa, quant à présent, d’accepter cette faveur, et jusqu’à ce qu’il sût d’une manière positive jusqu’à quel point il avait à se plaindre de son premier protecteur, le roi Louis ; mais la bonne intelligence qui s’était établie entre lui et le comte de Crèvecœur n’en fut pas ébranlée. Enfin, si son imagination enthousiaste, son accent étranger, sa manière de penser originale, appelaient souvent le sourire sur les traits graves du vieillard, ce sourire, loin d’exprimer, comme le jour précédent, le sarcasme et l’amertume, n’annonçait plus que la bienveillance et la gaieté.

Continuant donc son voyage avec beaucoup plus d’accord que la veille, la petite troupe arriva enfin à deux milles de la fameuse et forte ville de Péronne, près de laquelle était campée l’armée du duc de Bourgogne, prête, comme on le supposait alors, à faire une invasion en France ; tandis que, d’un autre côté, Louis XI avait assemblé des forces considérables aux environs de Pont-Saint-Maxence, dans le dessein de mettre à la raison son tout-puissant vassal.

Péronne, située sur une rivière profonde, dans un pays plat, entourée de forts boulevards et de larges fossés, était regardée dans les temps anciens, comme elle l’est encore de nos jours, comme l’une des plus fortes places de la France[1]. Le comte de Crèvecœur, sa suite et son prisonnier s’approchaient de cette forteresse vers les trois heures après midi, lorsque traversant à cheval les clairières d’une vaste forêt qui en couvrait alors les environs du côté de l’est, ils rencontrèrent deux individus qu’à leur nombreuse suite ils jugèrent d’un rang distingué. Ils étaient vêtus du

  1. Sir Walter Scott essaie, dans une note, d’enlever à Péronne son titre de pucelle, en prétendant que Wellington la prit en 1815 ; il n’était pas difficile de s’emparer d’une ville qui ouvrait d’elle-même ses portes à des alliés de Louis XVIII. a. m.