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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/358

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l’aide duquel un roi pouvait lire dans l’avenir, et finit par lui glisser au doigt un anneau d’une valeur considérable. Galeotti ne connaissait pas les circonstances qui avaient si subitement rehaussé son mérite aux yeux de son patron ; mais il entendait trop bien son métier pour laisser deviner son ignorance. Il reçut les éloges de Louis avec une gravité modeste, répondit qu’elles n’étaient dues qu’à la noblesse de la science qu’il pratiquait, science d’autant plus digne d’admiration, qu’elle produisait des merveilles par l’intermédiaire d’un agent aussi faible que lui. Ils se séparèrent très-satisfaits l’un de l’autre.

Après le départ de l’astrologue, Louis se jeta dans un fauteuil, car il paraissait épuisé de fatigue, et congédia le reste de sa suite, à l’exception du seul Olivier qui, s’approchant de son maître d’un air empressé et sans bruit, pour remplir auprès de lui son service ordinaire, l’aida à se mettre au lit.

Pendant qu’Olivier s’acquittait ainsi de ses fonctions habituelles, le roi, contre sa coutume, resta tellement passif et silencieux, que ce zélé serviteur fut frappé d’un changement si extraordinaire. Les âmes dépravées ne sont pas toujours tellement dépourvues de tout bon principe qu’elles n’en conservent certains restes qui se développent dans les circonstances nécessaires : les bandits sont fidèles à leur capitaine, et il arrive parfois qu’un protégé, un favori, éprouve une lueur soudaine d’intérêt sincère pour le monarque auquel il doit son rang et sa fortune. Olivier le diable, ou quels que fussent les autres surnoms qu’on lui avait donnés pour exprimer ses mauvais penchants, ne s’était pas assez complètement identifié avec Satan pour ne pas sentir au fond de son cœur quelque mouvement de reconnaissance pour son maître : c’est ce qui arriva dans ce moment critique, où il le voyait accablé de fatigue et d’inquiétude. Après avoir pendant quelques instants rempli auprès du roi l’office de valet de chambre, il céda enfin à la tentation de lui dire avec la liberté que l’indulgence de son souverain lui permettait en pareille occasion :

— « Tête-Dieu ! Sire, on dirait que vous avez perdu une bataille et cependant moi qui ai été près de Votre Majesté pendant toute cette journée, je ne vous ai jamais vu combattre plus vaillamment et remporter d’une manière plus complète les honneurs du champ de bataille. — Le champ de bataille ! » répéta Louis en levant les yeux et en reprenant la causticité habituelle de son ton et de ses manières ; « Pâques-Dieu ! mon ami Olivier, dis plutôt que je suis