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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/359

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resté maître de l’arène dans un combat contre un taureau ; non, il n’a jamais existé brute plus aveugle, plus opiniâtre, plus indomptable que notre cousin de Bourgogne, si ce n’est l’un de ces taureaux de Murcie que l’on élève pour les combats. N’importe, je l’ai harcelé de la bonne manière. Mais, Olivier, réjouissez-vous avec moi de ce que mes plans en Flandre ont échoué, ainsi que mes projets relativement à ces princesses vagabondes de Croye et à la ville de Liège. Vous m’entendez ? — Non, sur ma foi, Sire ; il m’est impossible de féliciter Votre Majesté sur le renversement de ses espérances, à moins qu’elle ne m’apprenne quel motif l’a fait changer de vues et de projets. — Sous un point de vue général, il ne s’est opéré aucun changement dans mes projets. Mais, Pâques-Dieu ! mon ami, j’ai appris aujourd’hui à connaître le duc Charles, beaucoup mieux que je ne l’avais fait encore. Lorsqu’il était comte de Charolais, au temps du vieux duc Philippe, et moi le dauphin de France banni, nous buvions, nous chassions, nous courions ensemble les aventures ; et il nous en est arrivé de passablement bizarres. J’avais à cette époque un avantage décidé sur lui ; celui qu’un esprit fort prend naturellement sur un esprit faible. Mais il a changé depuis : il est devenu opiniâtre, audacieux, arrogant, querelleur, dogmatique ; il nourrit évidemment le désir de pousser les choses à l’extrême quand il se croit à peu près sûr de la partie. J’ai été forcé de glisser légèrement sur tout sujet capable de l’irriter, comme si j’eusse marché sur un fer rouge. À peine lui ai-je eu fait entrevoir la possibilité que ces comtesses vagabondes de Croye fussent tombées entre les mains de quelque maraudeur des frontières avant d’avoir atteint la ville de Liège (car je lui avais avoué franchement qu’autant que je pouvais le présumer, c’était là qu’elles se rendaient), Pâques-Dieu ! vous auriez cru, à l’entendre, que je lui parlais d’un sacrilège. Il est inutile que je vous répète ce qu’il a dit à ce sujet ; il suffit que vous sachiez que j’aurais cru ma tête en grand péril si l’on était venu lui apporter la nouvelle du succès que ton ami Guillaume à la longue barbe a obtenu dans l’honnête projet conçu par lui et par toi pour améliorer sa fortune par un mariage. — Il n’est pas mon ami, n’en déplaise à Votre Majesté ; ni l’homme, ni le projet ne sont miens. — Tu as raison, Olivier ; ton plan avait été de faire la barbe à ce futur mari ; mais tu souhaitais à la comtesse un époux qui ne valait pas mieux que lui, quand tu pensais modestement à toi-même. Au surplus, Olivier, malheur à celui qui la