Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/360

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possédera ! car être pendu, roué, écartelé, voilà le sort le plus doux que mon gracieux cousin promettait à quiconque serait assez téméraire pour épouser sa jeune vassale sans sa permission. — Et il ne serait guère moins mécontent, sans doute, s’il apprenait qu’il est survenu quelque trouble dans la bonne ville de Liège ? — Autant, et même beaucoup plus, comme ton intelligence te le fait si bien prévoir. Mais dès que j’eus pris la résolution de me rendre ici, j’envoyai des messagers à Liège, afin d’arrêter pour l’instant tout mouvement d’insurrection ; et j’ai donné ordre à mes remuants et turbulents amis, Ronslaer et Pavillon, de se tenir tranquilles comme des souris dans leur trou jusqu’après cette heureuse entrevue entre mon beau cousin et moi. — À en juger d’après ce que Votre Majesté vient de dire, ce qu’il y a de mieux à espérer de cette entrevue, c’est qu’elle n’empirera pas votre position. Cette aventure ressemble fort à celle de la cigogne, qui, après avoir enfoncé sa tête dans la gueule du loup, se trouva fort heureuse qu’il lui eût permis de l’en tirer. Cependant Votre Majesté, encore tout à l’heure, paraissait adresser des remercîments au sage philosophe qui l’a décidée à jouer un jeu qui faisait naître de si belles espérances ! — Je n’ai pas joué toutes mes cartes, » répondit le roi avec une expression de malice : « Il ne faut désespérer de la partie que lorsqu’elle est perdue, et je n’ai aucune raison pour craindre qu’il en advienne ainsi ; je la gagnerai, au contraire, j’en suis sûr, s’il n’arrive rien qui réveille la rage de ce fou vindicatif ; et bien certainement je n’ai pas peu d’obligations à la science qui m’a fait choisir pour agent, et pour escorter les dames de Croye, un jeune homme dont l’horoscope est en correspondance si directe avec le mien, qu’il m’a sauvé d’un grand danger, même en désobéissant à mes ordres exprès, c’est-à-dire, en prenant de préférence la route qui devait lui faire éviter l’embuscade de Guillaume de la Marck. — Votre Majesté trouvera sans peine beaucoup d’agents toujours prêts à la servir à de pareilles conditions. — C’est possible, Olivier, c’est possible : le poète païen parle de vota diis exaudita malignis[1], de vœux dont les saints permettent l’accomplissement dans leur colère ; et, dans les circonstances présentes, c’en est un de cette espèce que j’aurais adressé au ciel en faveur de Guillaume de la Marck, s’il eût été accompli pendant que je suis au pouvoir de ce duc de Bourgogne. C’est ce qu’a prévu mon art, fortifié de celui de Galeotti ; c’est-à-dire, j’ai

  1. Vœux exaucés par des dieux ennemis. a. m.