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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/379

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la suite de Crèvecœur. Quand on eut réussi à ouvrir la porte, six hommes entrèrent avec des torches, afin d’éclairer, en marchant les premiers, un passage étroit et tortueux, commandé de distance en distance par des meurtrières ou embrasures pratiquées dans l’épaisseur des voûtes et des murs latéraux. Au bout de ce passage se trouvait un escalier d’une construction non moins effrayante, et dont les degrés étaient d’énormes quartiers de pierre, grossièrement façonnés au marteau et d’une hauteur inégale. Lorsque Louis et son cortège en eurent atteint la dernière marche, une porte garnie d’épaisses barres de fer leur donna l’entrée de ce qui avait été autrefois la grande salle du donjon : très-faiblement éclairée, même pendant le jour (car l’excessive épaisseur des murs faisant paraître plus étroites encore les ouvertures par lesquelles la lumière devait y pénétrer, on les aurait prises pour des crevasses plutôt que pour des fenêtres), une obscurité complète y eût régné en ce moment, si la lueur des torches n’y avait répandu quelque clarté. Deux ou trois chauves-souris, ou autres oiseaux de sinistres présages, réveillés par cette clarté inaccoutumée, voltigèrent autour des torches et faillirent même les éteindre, tandis que le sénéchal, avec toute la roideur de l’étiquette, s’excusait auprès du roi de ce que le principal appartement de la tour n’avait pas été mis en ordre : on lui avait laissé si peu de temps pour le préparer ! « Et dans le fait, ajouta-t-il, cet appartement n’a pas servi depuis vingt ans, et même, d’après ce que j’ai entendu dire, il l’a été bien rarement depuis le temps de Charles le Simple. — De Charles le Simple ! répéta Louis. Oh ! je connais l’histoire de cette tour, maintenant ; c’est ici qu’il fut assassiné par son perfide vassal Herbert, comte de Vermandois… ainsi le racontent nos annales. Je savais qu’il y avait, relativement au château de Péronne, quelque souvenir qui me trottait par la tête sans que je pusse m’en rappeler les circonstances. Ainsi donc, c’est ici qu’un de mes prédécesseurs a péri misérablement ! — Non, pas ici, pas exactement ici, Votre Majesté est dans l’erreur, » répondit le vieux sénéchal en s’avançant avec l’empressement d’un cicérone qui fait voir les curiosités d’un édifice ; « c’est un peu plus loin, dans une petite pièce attenante à la chambre à coucher qu’occupera Votre Majesté. »

Il ouvrit à la hâte une porte placée à l’autre extrémité de l’appartement, et qui donnait entrée dans une chambre à coucher assez petite, comme c’est l’ordinaire dans ces vieux édifices, mais