Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/380

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qui, par cette raison même, était plus agréable que la grande salle. On y avait fait à la hâte quelques préparatifs pour recevoir le roi : une tapisserie avait été clouée sur le mur, on avait allumé du feu dans une grille rongée par la rouille, preuve certaine qu’on n’en avait pas fait usage depuis long-temps, et on y avait dressé une sorte de lit de camp pour ceux qui, suivant la coutume de ce temps, devaient passer la nuit dans la chambre du roi.

« Je ferai placer des lits dans la grande salle pour le reste de votre suite, Sire, continua le vieux sénéchal ; on m’a donné si peu de temps, qu’en vérité… Maintenant, s’il plaît à Votre Majesté de passer par cette petite porte, là, derrière la tapisserie, elle entrera dans un petit cabinet pratiqué dans l’épaisseur du mur ; c’est dans cet antique cabinet que Charles perdit la vie : un passage secret, au moyen duquel il communique avec l’étage inférieur, y introduisit les hommes chargés de lui donner la mort. Votre Majesté, dont j’espère que la vue est meilleure que la mienne, pourra encore distinguer les traces de sang sur le plancher, quoiqu’il y ait cinq cents ans que cette aventure est arrivée. »

En parlant ainsi, il s’efforçait d’ouvrir la petite porte dont il parlait. Le roi lui dit enfin : « Arrête, bon vieillard, attends encore un peu ; tu pourras avoir une histoire plus récente à raconter, et du sang plus frais à montrer. Qu’en dites-vous, comte de Crèvecœur ? — Tout ce que je puis vous dire, Sire, répondit le comte, c’est que ces deux appartements intérieurs sont aussi absolument à la disposition de Votre Majesté que ceux de votre château du Plessis, et que la garde extérieure en est confiée à Crèvecœur, dont le nom n’a jamais été terni par les épithètes de traître ou d’assassin. — Mais le passage secret dont parle ce vieillard ? le passage qui conduit dans ce cabinet ? » dit Louis à voix basse et d’un ton d’inquiétude, et en serrant d’une main le bras de Crèvecœur, tandis que de l’autre il en montrait la porte.

« Ce n’est sans doute qu’un rêve de Mornay, répondit le comte, ou quelque vieille et absurde tradition du château : mais je vais examiner cela. »

Il allait ouvrir la porte du cabinet, quand Louis l’en empêcha en lui disant : « Non, Crèvecœur, non, votre honneur m’est une garantie suffisante. Mais qu’est-ce que votre duc se propose de faire de moi ? Il ne peut espérer me retenir long-temps prisonnier, et… en un mot, dites-moi ce que vous pensez de tout ceci, Crèvecœur. — Sire, Votre Majesté peut juger elle-même jusqu’à