Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/416

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sire Philippe, vous me faites grand tort en parlant ainsi. — Mais privés de ce secours, » continua d’Argenton sans faire attention à cette interruption, « car aujourd’hui selon toute apparence, Votre Majesté ne jugera pas à propos de le leur fournir, quelle chance ces bourgeois auront-ils de défendre leur ville, puisque les larges brèches faites à ses murailles, après la bataille de Saint-Tron, par le duc Charles, ne sont pas encore réparées ? Les cavaliers de Hainaut, de Brabant et de Bourgogne ne peuvent-ils pas s’y présenter pendant l’attaque sur vingt hommes de front ? — Imprévoyants idiots ! S’ils ont négligé à un tel point leur propre sûreté, ils sont indignes de ma protection. Je ne me ferai pas de querelle pour l’amour d’eux. — Un autre point, je le crains, sera plus sensible encore pour le cœur de Votre Majesté. — Ah ! reprit le roi, vous voulez parler de cet infernal mariage ! Je ne consentirai pas à rompre l’union projetée entre ma fille Jeanne et mon cousin d’Orléans ; ce serait m’arracher le sceptre de France, à moi et à ma postérité ; car le Dauphin, ce faible enfant, est une fleur étiolée qui se fanera sans donner de fruit. Ce mariage entre Jeanne et d’Orléans a été la pensée de mes jours, le rêve de mes nuits. Je te le dis, d’Argenton, je ne puis y renoncer. D’ailleurs, il est inhumain d’exiger de moi que je détruise de ma propre main mon plan favori de politique, et le bonheur de deux jeunes gens qui ont été élevés l’un pour l’autre. — Leur attachement est-il donc si fort ? — D’un côté du moins, et c’est celui qui doit m’inspirer le plus d’intérêt. Mais vous souriez, sire Philippe ; vous ne croyez pas à la force de l’amour ? — Bien au contraire, Sire, n’en déplaise à Votre Majesté ; je suis si peu incrédule sur ce chapitre, que j’allais vous demander si vous ne vous décideriez pas à consentir au mariage proposé entre le duc d’Orléans et Isabelle de Croye, dans le cas où je vous apprendrais que la comtesse a une inclination si prononcée pour un autre, qu’il est probable que ce mariage n’aura jamais lieu. — Hélas ! mon bon et cher ami, » dit le roi en soupirant, « de quel sépulcre avez-vous tiré cette consolation tout au plus bonne pour un mort ? Son inclination, dites-vous ! Mais, pour dire la vérité, en supposant que d’Orléans déteste ma fille Jeanne, il n’aurait pas moins fallu qu’il l’épousât, malgré cette malheureuse antipathie. Voyez donc combien il y a peu de chances que cette demoiselle puisse refuser une telle alliance, quand elle sera placée dans une semblable nécessité, et lorsque d’ailleurs cet époux qu’on lui proposera est un fils de France. Non, non, Philippe. Il y a peu de