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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/423

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deviner quand et comment, car j’ai peu de goût pour le sacrement, et Quentin est trop jeune pour y penser. Enfin, Saunders a prédit. — Assez, assez, dit lord Crawford ; à moins que la prédiction ne s’applique à la circonstance actuelle, je vous prie de couper court, mon bon Ludovic. Il faut que vous et moi nous laissions quant à présent votre neveu, priant Notre-Dame qu’elle le fortifie dans ses bonnes intentions ; car c’est une affaire dans laquelle une parole dite à la légère pourrait faire plus de mal que tout le parlement de Paris n’en saurait réparer. Recevez ma bénédiction, mon garçon, et ne vous pressez pas tant de songer à quitter votre corps, car, avant peu, il y aura de bons coups portés à la face du ciel, et sans avoir d’embuscade à redouter. — Je te donne aussi ma bénédiction, neveu, dit Ludovic, car puisque notre très-noble capitaine est content de toi, je le suis aussi, comme mon devoir me l’ordonne. — Un instant, monseigneur, » dit Quentin ; et tirant lord Crawford un peu à l’écart : « Je ne dois pas oublier de vous informer, ajouta-t-il, qu’il y a encore dans le monde une personne qui, ayant appris de moi les circonstances qu’il importe au salut du roi Louis de tenir maintenant cachées, peut ne pas penser que la discrétion qui m’est imposée par ma qualité de soldat du roi, et par la reconnaissance que je lui dois d’ailleurs, est également une obligation pour elle. — Pour elle ! répliqua Crawford : ah ! s’il y a une femme dans le secret, que le Seigneur ait pitié de nous ! car nous voilà rejetés sur les mêmes écueils. — Ne faites pas une telle supposition, monseigneur, reprit Durward ; mais employez votre crédit auprès du comte de Crèvecœur pour me ménager une entrevue avec la comtesse Isabelle de Croye : c’est elle qui est en possession de mon secret, et je ne doute pas que je ne réussisse à la décider à être aussi discrète que moi-même sur tout ce qui pourrait irriter le duc contre le roi. »

Le vieux militaire resta quelques instants comme absorbé dans ses réflexions, leva les yeux au plafond, les reporta vers le plancher, secoua la tête et dit enfin :

« Sur mon honneur, il y a dans tout ceci quelque chose que je ne comprends pas. La comtesse Isabelle de Croye ! demander une entrevue avec une dame d’une naissance et d’un rang si distingués ! et toi, jeune Écossais sans fortune, si sûr d’avoir gain de cause près d’elle !… Ou tu as une étrange confiance en toi-même, mon jeune ami, ou tu n’as pas mal employé ton temps