Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/435

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute espèce de perfidies, même de prendre, sans y avoir aucun droit, la qualité d’agent du roi Louis.

Après une nouvelle pause, la comtesse reprit le fil de sa narration, et la conduisit très-brièvement depuis l’instant où elle quitta le territoire de Bourgogne, accompagnée de sa tante, jusqu’à la prise du château de Schonwaldt et au moment où elle fut rencontrée par le comte de Crèvecœur. Chacun garda le silence quand elle eut fini ce récit aussi court que peu suivi, et le duc de Bourgogne, tenant ses sombres et farouches regards attachés à la terre, ressemblait à un homme qui cherche un prétexte pour se livrer à sa colère, et qui n’en trouve aucun d’assez plausible pour la justifier à ses propres yeux.

« La taupe, » dit-il enfin en levant les yeux, « n’en creuse pas moins certainement son terrier sous nos pieds, quoiqu’il nous soit impossible de suivre sa marche. Cependant je voudrais que le roi Louis voulût bien nous dire pourquoi il a reçu ces dames à sa cour, si elles ne s’y étaient pas rendues sur son invitation ? — Je n’ai point reçu ces dames à ma cour, mon beau cousin, répondit le roi. Par compassion, il est vrai, je les ai vues en particulier, mais j’ai saisi la première occasion pour les placer sous la protection de l’excellent évêque, votre propre allié (Dieu veuille faire paix à son âme !), car c’était un meilleur juge que moi, et que tout autre prince séculier, des moyens de concilier la protection due à des fugitives avec les devoirs qu’un roi avait à remplir en cette occasion envers un prince allié dont elles avaient fui les domaines. J’adjure hardiment cette jeune dame de déclarer si elles ont reçu de moi un accueil bien cordial ; si l’accueil que je leur ai fait n’a pas été, au contraire, capable de leur faire exprimer le regret d’avoir choisi ma cour pour asile. — Il fut si loin d’être cordial, répondit la comtesse, qu’il me fit au moins douter que l’invitation que nous avaient faite ceux qui se disaient vos agents, émanât de Votre Majesté ; puisqu’en supposant qu’ils n’eussent agi que d’après vos instructions précises, il devenait difficile de concilier la conduite de Votre Majesté avec ce que nous avions droit d’attendre d’un roi, d’un chevalier et d’un gentilhomme. »

En prononçant ces dernières paroles, la comtesse jeta au roi un regard qui semblait exprimer un reproche ; mais le cœur de Louis était garni d’une cuirasse qui ne permettait pas à de telles attaques de l’émouvoir. Au contraire, promenant ses regards autour de lui en étendant les bras avec lenteur, il sembla demander,