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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/440

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même temps leur père spirituel ?… Et cette harangue que tu as prononcée immédiatement après que ce meurtre fut commis, harangue dans laquelle, te qualifiant d’agent du roi Louis, tu pris le ton de l’autorité vis-à-vis des scélérats qui venaient de se souiller de cet abominable crime, réponds-moi, que signifie-t-elle ? — Monseigneur, je ne manquerais pas de témoins pour attester que je n’ai nullement pris à Liège la qualité d’agent du roi de France, mais que ce titre me fut obstinément donné par le peuple ameuté, qui refusa d’ajouter foi à toutes les assurances contraires que je m’efforçais de lui donner. Je l’ai dit aux serviteurs de l’évêque lorsque je fus parvenu à m’échapper de la ville ; je leur ai recommandé de veiller à la sûreté du château ; et, si l’on eût tenu compte de mes paroles, on aurait peut-être prévenu les calamités et les horreurs de la nuit suivante. Il est vrai, je l’avoue, que, dans un moment où nous étions menacés des plus grands dangers, je me suis prévalu de l’influence que me donnait mon caractère supposé pour sauver la comtesse Isabelle, protéger ma propre vie, et, autant qu’il était en moi, mettre un terme à des scènes qui n’avaient déjà que trop duré. Je répète, et je le soutiendrai au péril de ma vie, que je n’avais aucune mission du roi de France auprès des Liégeois ; et qu’enfin, en me prévalant du caractère qu’on m’attribuait, je n’ai pas agi autrement que si, ramassant un bouclier, je m’en couvrais pour me protéger dans un pressant danger, moi et d’autres, sans m’informer si j’ai le droit ou non de porter les armoiries dont il est orné. — Et en cela, » dit Crèvecœur, incapable de garder plus long-temps le silence, « mon jeune compagnon et prisonnier a agi avec autant de courage que de jugement. Sa conduite, dans une telle circonstance, ne peut nullement être imputée à blâme au roi Louis. »

Un murmure d’approbation, qui parcourut toute la noble assemblée, flatta vivement les oreilles du roi, non sans blesser aussi vivement celles de Charles. Le duc roula autour de lui des regards furieux. Ces sentiments si généralement exprimés par ses plus grands vassaux et ses plus prudents conseillers ne l’auraient probablement pas empêché de donner carrière à son naturel violent et tyrannique, si d’Argenton, qui prévit le danger, ne l’eût détourné en annonçant tout à coup à son maître l’arrivée d’un héraut envoyé par la cité de Liège.

« Un héraut envoyé par des tisserands et des cloutiers ! s’écria le duc, qu’on l’introduise à l’instant. De par Notre-Dame ! cet