Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/441

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envoyé nous fera connaître, au sujet des espérances et des projets de ceux qui l’envoient, quelque chose de plus que ce que ce jeune homme d’armes franco-écossais ne veut en dire. »


CHAPITRE XXXIII.

LE HÉRAUT.


Ariel. Écoutez ! ils rugissent.
Prospero. Qu’ils soient promptement chassés.
Shakspeare, La Tempête.


Chacun s’empressa de faire place, car on éprouvait une vive curiosité de voir ce héraut que les insurgés de Liège osaient envoyer à un prince aussi altier que le duc de Bourgogne, dans un moment où il était si violemment irrité contre eux. En effet, il faut se rappeler qu’à cette époque les princes souverains avaient seuls le privilège de s’envoyer réciproquement des hérauts, et seulement dans les occasions solennelles, tandis que la noblesse inférieure n’employait que des poursuivants d’armes, officiers d’un rang bien inférieur. Il est à propos aussi de remarquer en passant que Louis XI, accoutumé à voir d’un œil au moins indifférent tout ce qui ne procure ni puissance réelle ni avantage matériel, était connu pour professer le plus profond mépris pour la science héraldique et pour les hérauts rouges, bleus ou verts, avec leurs oripeaux, toutes choses auxquelles l’orgueil de Charles attachait au contraire un haut degré d’importance.

Le héraut introduit devant les deux princes était revêtu d’une cotte d’armes brodée aux armes de son maître, parmi lesquelles figurait une tête de sanglier, ce qui, au jugement des habiles dans le noble art du blason, était plus brillant qu’exact. Le reste de son costume, ridicule par son éclat lui-même, était surchargé de galons, de broderies et d’ornements de toute espèce ; et son panache était si élevé qu’il semblait vouloir balayer le plafond de la salle. En un mot, la pompe habituelle de l’attirail héraldique était outrée et chargée. Non-seulement la tête de sanglier se retrouvait dans chaque partie du vêtement de cet envoyé, mais son bonnet même en avait la forme, et représentait une hure avec des défenses teintes de sang, ou, en termes de blason, gueules languées et dentées. Sa contenance offrait un mélange d’audace et de frayeur, comme cela est ordinaire à un homme qui s’est chargé d’une mis-