Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/460

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mais, beau cousin, cette affaire ira suivant votre volonté si vous réussissez à obtenir le consentement des deux parties intéressées. — Soyez sans inquiétude à cet égard, » répondit le duc ; et, en conséquence, quelques minutes après cet entretien, le duc d’Orléans et la comtesse de Croye reçurent l’ordre de paraître devant les deux princes : Isabelle se présenta, comme la première fois, accompagnée de la comtesse de Crèvecœur et de l’abbesse des Ursulines. Le duc de Bourgogne déclara que la sagesse réunie de leurs souverains respectifs avait décidé leur union pour cimenter l’alliance perpétuelle qui existerait désormais entre la France et la Bourgogne. Pendant ce discours, auquel il ne fit aucune objection, Louis garda un sombre silence ; car une telle atteinte portée à son autorité lui faisait éprouver un profond chagrin.

Le duc d’Orléans eut beaucoup de peine à réprimer la joie que lui causait une telle proposition, mais la délicatesse ne lui permettait pas de se livrer à ses transports en présence du roi ; il fallut aussi tout le respect, toute la crainte même que lui inspirait habituellement ce monarque, pour que, dissimulant ses désirs, il se bornât à répondre que « son devoir lui prescrivait de laisser son choix à la disposition de son souverain. — Beau cousin d’Orléans, » dit Louis avec un ton de gravité qui décelait son mécontentement, « puisqu’il faut que je parle dans une occasion si peu agréable, je n’ai pas besoin de vous rappeler que, connaissant votre mérite, j’avais formé le projet de vous choisir une épouse dans ma propre famille ; mais, puisque mon cousin de Bourgogne pense qu’en disposant ainsi de votre main, il obtient le gage le plus assuré de l’union qui doit régner désormais entre ses États et les miens, j’ai trop à cœur le bonheur des deux pays pour hésiter à faire le sacrifice de mes désirs et de mes espérances. »

Le duc d’Orléans tomba aux genoux du roi et baisa, cette fois du moins avec un attachement sincère, la main que Louis lui présentait en détournant la tête. Dans le fait, il reconnut aisément, aussi bien que la plupart de ceux qui assistaient à cette scène, que ce consentement n’était donné qu’à regret ; car, en homme qui possédait à un rare degré le grand art de la dissimulation, Louis laissait à dessein paraître sa répugnance, afin qu’on reconnût en sa personne un roi qui renonçait à son projet favori, et qui sacrifiait ses sentiments paternels au bien de ses États et à l’intérêt de son pays. Le duc de Bourgogne lui-même se sentit ému, et le cœur du duc d’Orléans palpita d’une joie involontaire