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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/461

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en se voyant affranchi ainsi de ses engagements. S’il eût su combien le roi le maudissait intérieurement, et quelle vengeance se promettait de tirer un jour de son manque de foi, il est probable que sa délicatesse lui aurait paru moins compromise qu’il ne se le reprochait.

Charles, se tournant ensuite vers la jeune comtesse, lui annonça d’un ton brusque que l’alliance projetée était une affaire qui n’admettait ni délai ni hésitation, ajoutant que c’était là une suite beaucoup trop heureuse de l’opiniâtreté qu’elle avait montrée dans une occasion récente encore.

« Monseigneur, » répondit Isabelle, appelant tout son courage à son aide, » je reconnais l’autorité suzeraine de Votre Altesse, et je m’y soumets. — C’est assez, c’est assez ! » répondit le duc en l’interrompant ; « nous vous dispensons d’un nouveau serment d’allégeance… Votre Majesté, » continua-t-il en s’adressant au roi, « Votre Majesté a eu ce matin le divertissement d’une chasse au sanglier ; voudrait-elle prendre cette après-midi celui de la chasse au loup ? »

La jeune comtesse vit la nécessité de prendre un parti décisif. « Votre Altesse n’a pas compris mon intention, » dit-elle avec timidité, mais assez haut et d’une voix assez ferme pour forcer le duc à lui accorder une attention qu’un pressentiment secret l’aurait volontiers porté à lui refuser. « La soumission dont je parle n’a rapport qu’aux terres et aux domaines que vos ancêtres ont octroyés aux miens, et que je remets à la maison de Bourgogne, si mon souverain pense que ma désobéissance sur ce seul point me rende indigne de les conserver. — Ah ! par saint Georges ! » dit le duc en frappant violemment du pied contre terre, « cette sotte sait-elle en présence de qui elle est, et à qui elle parle. — Monseigneur, » répondit-elle sans se déconcerter, « je suis devant mon suzerain, et j’espère que je puis compter sur sa justice. Si vous me privez de mes biens, vous m’enlevez tout ce que la générosité de vos ancêtres a donné à ma maison, et vous rompez les liens qui nous attachaient à la vôtre. Ce n’est pas de vous que je tiens ni ce corps pauvre et persécuté, ni l’esprit qui l’anime : j’ai dessein de consacrer au ciel l’un et l’autre dans le couvent des Ursulines, et d’y finir mes jours sous la direction de cette sainte mère abbesse. »

La rage et l’étonnement du duc peuvent difficilement se concevoir, à moins que l’on ne se représente la surprise d’un faucon