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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/464

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ce vieux, de ce vaillant, de ce fidèle serviteur de votre père. Voudriez-vous me proposer en prix au soldat qui saura le mieux manier l’épée ? — Votre aïeule a été le prix d’un tournoi ; on combattra pour votre main dans une mêlée véritable. Seulement, par respect pour la mémoire du comte de Reinold, l’heureux vainqueur devra être un gentilhomme dont la naissance et les armoiries soient sans tache. Du reste, quel qu’il puisse être, fût-il même le plus pauvre de tous ceux qui ont jamais fait passer l’ardillon d’une boucle dans l’oreillette d’un baudrier, il aura le droit de réclamer votre main ; j’en jure par saint Georges, par ma couronne ducale, par l’ordre que je porte ! Eh bien ! messieurs, » ajouta-t-il en se tournant vers les nobles qui l’entouraient, « je me flatte que cela est conforme aux lois de la chevalerie. »

Les remontrances d’Isabelle ne purent se faire entendre, au milieu des acclamations excitées par une satisfaction et un assentiment universels ; et par-dessus toutes les autres voix on entendit celle du vieux lord Crawford, qui regrettait que le poids des années l’empêchât de se mettre sur les rangs pour remporter un si beau prix. Le duc fut satisfait de ces marques générales d’applaudissement ; et sa violence commença à se calmer, comme celle d’un fleuve débordé lorsque enfin ses eaux rentrent dans leur lit ordinaire.

« Et nous, à qui le sort a déjà accordé des dames, dit Crèvecœur, faudra-t-il que nous nous bornions à n’être que simples spectateurs de cette lutte glorieuse ? Mon honneur serait peu satisfait de ce rôle ; car j’ai fait un vœu et je dois l’accomplir aux dépens de cette brute aux défenses aiguës et aux soies hérissées, aux dépens de ce farouche de la Marck. — Eh bien ! Crèvecœur, lui répondit le duc, montre ton courage, remporte le prix ; et puisque tu ne peux le garder pour toi, cède-la à qui tu voudras… au comte Étienne, ton neveu, si bon te semble. — Grand’merci, monseigneur. Je ferai de mon mieux dans la mêlée ; et si je suis assez heureux pour l’emporter sur mes rivaux, Étienne essaiera si son éloquence peut l’emporter sur celle de l’abbesse. — J’espère, dit Dunois, que les chevaliers français ne seront pas exclus d’un concours qui excite un si vif intérêt ? — À Dieu ne plaise, brave Dunois ! répliqua le duc, ne fût-ce que pour le plaisir de vous voir acquérir une gloire nouvelle. Je ne m’oppose pas à ce que la comtesse épouse un Français. Cependant, ajouta-t-il, j’y mets pour condition expresse que le comte de Croye deviendra vassal