Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/479

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irrégulière et à toute volée, il retourna en toute hâte vers ses camarades. Ces coups de feu, qui partaient de tous les points de la colonne ennemie, montrèrent qu’elle était plus nombreuse qu’il ne l’avait d’abord supposé.

— « Admirablement, mon digne garçon ! dit Crawford ; et maintenant, mes braves, retirons-nous sur le quartier-général du roi : nous sommes trop peu de monde pour leur tenir tête en rase campagne. »

Ils se retirèrent dans la cour et dans le jardin de la maison où était logé le roi, et y trouvèrent tout préparé pour faire bonne défense. Louis lui-même s’apprêtait à monter à cheval.

— « Où allez-vous, Sire ? lui demanda Crawford. Vous êtes plus en sûreté ici, entouré de votre propre garde. — Non pas, répondit Louis ; il faut que je me rende sur-le-champ auprès du duc. Il importe qu’il soit persuadé de notre bonne foi dans ce moment même ; autrement nous aurions tout à la fois sur les bras et les Liégeois et les Bourguignons. »

À ces mots s’élançant en selle, il ordonna à Dunois de prendre le commandement des troupes françaises qui étaient placées hors de la maison, et à Crawford d’en défendre l’intérieur avec ses archers et ses autres gardes. Il fit avancer deux sakers[1] et autant de fauconneaux, pièces de campagne en usage à cette époque, qui avaient été laissés à environ un demi-mille en arrière, et recommanda que chacun tînt ferme à son poste, défendant en même temps que personne ne se portât en avant, quelque succès qu’on pût obtenir. Après avoir donné ces ordres, Louis piqua des deux, et courut vers le quartier-général du duc de Bourgogne.

Le délai qui permit de prendre ces dispositions fut dû à ce que Quentin, par un heureux hasard, avait tué le propriétaire même de cette maison, qui servait de guide à la colonne destinée à l’attaquer ; or, si cette attaque eût été faite par surprise, elle aurait probablement obtenu un plein succès.

Durward, par l’ordre du roi, le suivit chez le duc. Ils trouvèrent ce dernier dans un tel transport de colère, qu’il était presque hors d’état de remplir ses devoirs de général ; cependant le sang-froid n’avait jamais été plus nécessaire ; car indépendamment d’un combat furieux qui se livrait dans le faubourg, sur la gauche de l’armée, et dont le bruit peu éloigné parvenait jusqu’à eux ; outre

  1. Ce mot allemand signifie proprement ravageur. a. m.