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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/74

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se maintenir dans son poste avec sa brave petite armée, portant la tête aussi haut que le roi Louis ou le duc Charles, et se balançant entre les deux comme l’enfant qui se tient debout au milieu d’une planche à bascule, tandis que deux autres en font monter et descendre tour à tour les extrémités. — C’est celui des trois qui court risque de faire la chute la plus dangereuse. Mais écoutez-moi, mon jeune ami, vous qui regardez le pillage comme un si grand crime, savez-vous que votre habile comte de Saint-Pol est celui qui le premier a donné l’exemple d’incendier les campagnes pendant la guerre, et qu’avant les honteuses dévastations qu’il a commises, les villes ouvertes et les villages qui ne faisaient pas de résistance étaient épargnés par les divers partis. — Ah, ma foi ! s’il en est ainsi, je commencerai à croire qu’il n’y a pas un de ces grands hommes qui vaille mieux qu’un autre, et que faire un choix parmi eux n’est autre chose que choisir un arbre pour y être pendu. Mais ce comte de Saint-Pol, ce connétable, a su se mettre en possession de la ville qui tire son nom de celui de mon très-saint et très-honoré patron, saint Quentin (ici il fit un signe de croix), et il me semble que si j’étais là, mon cher patron aurait soin de moi ; car il n’a pas autant de protégés que vos saints populaires, dont un si grand nombre de personnes prennent le nom… Il faut cependant qu’il ait oublié le pauvre Quentin Durward, son filleul spirituel, puisqu’après m’avoir laissé un jour sans nourriture il m’abandonne le lendemain à la protection de saint Julien et à la courtoisie d’un étranger, achetée par un plongeon dans la fameuse rivière du Cher, ou dans un de ses ruisseaux tributaires. — Ne blasphème pas les saints, mon jeune ami. Saint Julien est le patron des voyageurs, et peut-être le bienheureux saint Quentin a-t-il fait pour toi plus et mieux que tu ne penses. »

Comme il parlait, la porte s’ouvrit, et une jeune personne, plutôt au-dessus qu’au dessous de quinze ans, apporta un plateau couvert d’une serviette damassée, sur lequel était placée une petite soucoupe remplie de ces prunes sèches qui de tout temps ont ajouté à la réputation de la ville de Tours. On y voyait aussi une de ces coupes d’argent artistement ciselées, que les orfèvres de cette ville exécutaient à cette époque avec une délicatesse de travail qui les distinguait des ouvriers des autres villes de France, et même de ceux de la capitale. La forme de ce vase était si élégante que Durward ne songea pas à examiner s’il était d’argent, ou bien, comme le gobelet dont il venait de se servir, d’un métal