Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/88

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d’un superbe velours bleu, ouvert sur les côtés comme celui d’un héraut d’armes, et sur le milieu duquel, par derrière aussi bien que par devant, brillait une grande croix blanche brodée en argent. Ses genouillères et ses cuissarts étaient de mailles, et ses souliers couverts d’acier. Un large et fort poignard, nommé la merci de Dieu, pendait à son côté droit, et un baudrier richement brodé, descendant de droite à gauche, soutenait sa redoutable épée ; mais en ce moment pour sa commodité, il portait à la main cette arme pesante que les règles de son service ne lui permettaient jamais de quitter.

Quentin Durward, bien qu’habitué de bonne heure, comme tous les jeunes Écossais de cette époque, aux armes et à la guerre, crut qu’il n’avait jamais vu un homme d’armes d’un air plus belliqueux, et plus complètement équipé, plus brillant que celui qui l’embrassa en ce moment ; cet homme d’armes était pourtant le frère de sa mère, Ludovic Lesly le Balafré ! Cependant il ne put se défendre d’un sentiment peu agréable au moment où cet oncle, dont la figure avait une expression véritablement repoussante, lui brossant tour à tour les deux joues avec ses rudes moustaches, félicita son beau neveu de son arrivée en France tout en lui demandant quelles nouvelles il apportait d’Écosse.

« Pas grand’chose de bon, mon cher oncle, répondit Durward ; mais je suis charmé que vous m’ayez reconnu si promptement. — Je t’aurais reconnu, mon garçon, lors même que je t’aurais rencontré dans les landes de Bordeaux, marchant comme une grue sur une paire d’échasses. Mais assieds-toi, assieds-toi ; et s’il y a de fâcheuses nouvelles à entendre, nous aurons du vin pour nous inspirer de la résignation. Holà ! vieux Courte-Mesure, notre brave hôte, apporte-nous du meilleur, et sur-le-champ. »

À cette époque, l’accent particulier avec lequel les Écossais prononcent le français était aussi familier dans les tavernes des environs du Plessis, que l’accent suisse l’est, de nos jours, dans les guinguettes des environs de Paris ; on obéit avec une promptitude égale à la précipitation de la crainte. Un flacon de vin de Champagne fut bientôt posé devant eux : l’oncle s’en versa un verre, tandis que le neveu n’en prit qu’une petite dose, pour répondre à la politesse de son parent, en s’excusant sur ce qu’il avait déjà bu du vin dans la matinée.

« Une pareille excuse aurait été excellente dans la bouche de ta sœur, beau neveu, dit le Balafré ; il ne faut pas te laisser tant