Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/94

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ses chevaliers, de ses vassaux de l’Artois et du Hainaut : pensez-vous que si vous étiez là, ou si j’y étais moi-même, nous pourrions dépasser le duc et toute la brave noblesse de son propre pays ? Si nous ne les suivions pas de près, nous aurions la chance d’être livrés entre les mains du grand prévôt de l’armée, comme traîneurs ; si nous allions de front avec eux, peut-être dirait-on que c’est bien, et conviendrait-on que nous avons gagné notre paie ; mais je suppose maintenant que je fusse de la longueur d’une pique, ou environ, en avant, ce qui est difficile et dangereux dans une pareille mêlée où chacun fait de son mieux ; en bien ! monseigneur le duc dirait dans son jargon flamand, comme quand il voit un coup bien asséné : Gut getroffen ! c’est-à-dire bonne lance ! voilà un brave Écossais ! qu’on lui donne un florin pour boire à notre santé !… mais ni rang, ni titres, ni trésors, n’arrivent à l’étranger dans un pareil service : tout va aux enfants du sol. — Et, au nom du ciel, à qui donc reviennent-ils de droit, bel oncle ? — À celui qui protège les enfants du sol, » répondit le Balafré en se redressant de toute sa hauteur. « Voici comme parle le roi Louis : Mon bon paysan français… mon honnête Jacques bonhomme, allez-vous-en à votre charrue, à votre herse, occupez-vous de votre serpe et de votre houe ; voici un brave Écossais qui combattra pour vous, et vous n’aurez la peine que de le payer. Et vous, sérénissime duc, illustre comte, très-puissant marquis, vous aussi, retenez votre bouillant courage jusqu’à ce qu’on en ait besoin, car il est sujet à s’écarter de la bonne route et à vous nuire à vous-même ; voici mes compagnies franches, mes gardes françaises, voici surtout mes archers écossais et mon brave Ludovic le Balafré : ils combattront aussi bien et mieux que vous, dont la valeur indisciplinée ne vaut pas mieux que celle qui fit perdre à vos pères la bataille de Crécy et d’Azincourt. » Maintenant, beau neveu, ne voyez-vous pas dans lequel de ces deux états un cavalier de fortune tient le plus haut rang et doit parvenir au plus grand degré d’honneur ? — Je crois que je vous entends, bel oncle ; mais, selon moi, il ne peut y avoir d’honneur à gagner là où il n’y a pas de risque à courir. C’est (pardonnez-moi, je vous prie), c’est une vie d’indolent, et je dirai même de paresseux, que de monter la garde autour d’un vieillard à qui personne ne songe à nuire, de passer les jours d’été et les nuits d’hiver au haut de ces murailles, enfermé dans des cages de fer de peur que vous ne désertiez votre poste. Mon oncle ! mon oncle !