Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/95

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ce n’est là que le sort du faucon qui reste sur le perchoir, et qu’on ne mène jamais à la chasse. — Par saint Martin de Tours ! le jeune homme a du feu ; il y a du Lesly chez lui ; c’est un autre moi-même, mais avec un degré de folie de plus. Écoutez-moi, jeune homme : vive le roi de France ! à peine se passe-t-il un jour sans qu’il ait quelque commission à donner à un de ses braves serviteurs, et dans laquelle celui-ci peut gagner honneur et profit. Ne croyez pas que toutes les actions les plus intrépides et les plus dangereuses ne se fassent qu’à la lumière du jour. Je pourrais vous en citer, telles que châteaux escaladés, prisonniers enlevés, et d’autres semblables, dans lesquelles certain individu que je ne veux pas nommer a couru plus de dangers et gagné plus de faveurs qu’aucun des enragés qui marchent à la suite de ce forcené duc de Bourgogne. Et si, pendant que nous travaillons de cette manière, il plaît à Sa Majesté le roi Louis de se tenir à l’écart et dans le lointain, elle n’en a que plus de liberté d’esprit pour apprécier et pour récompenser convenablement les aventuriers qui le servent : il juge mieux de leurs dangers ainsi que de leurs faits d’armes que s’il y avait pris part en personne. Oh ! c’est un monarque extrêmement politique et plein de sagacité. »

Quentin garda un instant le silence, et dit ensuite d’une voix basse, mais d’un ton expressif : « Le bon père Pierre avait coutume de me dire qu’il pouvait y avoir beaucoup de danger dans des actions par lesquelles on n’acquérait que peu de gloire. Je n’ai pas besoin de vous dire, bel oncle, que ces commissions secrètes, je crois qu’elles ne peuvent être qu’honorables. — Pour qui me prenez-vous, beau neveu ? » dit le Balafré d’un ton sévère, « Je n’ai pas été élevé dans un cloître, il est vrai ; je ne sais ni lire ni écrire ; mais je suis le frère de votre mère, je suis un loyal Lesly. Pensez-vous que je sois capable de vous pousser à faire quelque chose d’indigne de vous ? Le meilleur chevalier de France, Duguesclin lui-même, s’il vivait encore, rangerait avec orgueil mes exploits au nombre des siens. — Je ne doute nullement de ce que vous me dites, bel oncle ; vous êtes le seul conseiller que m’ait laissé mon malheureux destin. Mais est-il vrai, comme on le dit, que ce roi tient une cour bien maigre dans son château du Plessis ? Point de nobles ni de courtisans à sa suite ; point de grands feudataires, point de grands officiers de la couronne qui l’accompagnent : des amusements presque solitaires, que partagent seuls les serviteurs de sa maison ; des conseils secrets, auxquels il n’appelle que