Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/141

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dait à un haut degré, bien que son ignorance absolue du monde actuel le rendit souvent inutile et même fatal. Elle supplia son fils, par toutes les expressions les plus tendres que peuvent proférer les lèvres d’une mère, de prendre soin de sa propre sûreté.

« Laissez-moi, dit-elle, déjouer ceux qui vont vous poursuivre, Je sauverai votre vie, je sauverai votre honneur. Je leur dirai que mon Hamish, aux blonds cheveux, est tombé du sommet du Corrie Dhu[1] dans le gouffre dont l’œil de l’homme n’a jamais vu le fond. Je leur dirai cela, et je jetterai votre plaid dons les épines qui croissent sur le bord du précipice, afin qu’ils puissent croire mes paroles. Ils croiront, et ils retourneront vers le Dun au double pic ; car, bien que le tambour des Saxons puisse appeler le vivant à la mort, il ne saurait rappeler le mort sous l’étendard de leur esclavage. Alors nous nous dirigerons ensemble vers le nord, près des lacs salés de Kintail, et nous mettrons des vallées et des montagnes entre les enfants de Dermid et nous. Nous irons visiter les rivages du lac Noir, et ma famille (car ma mère ne descendait-elle pas des enfants de Renneth, et ne se souviendront-ils pas de nous avec amour ?) oui, ma famille nous recevra avec l’amitié du vieux temps, cette amitié qui habite les vallées lointaines où les montagnards, conservant leur noblesse intacte, vivent séparés des grossiers Saxons et de cette race d’hommes vils qui se sont faits leurs instruments et leurs esclaves. »

L’énergie du langage celtique, tant soit peu hyperbolique, même dans ses expressions les plus ordinaires, paraissait en ce moment trop faible à Elspat pour tracer aux yeux de son fils un tableau brillant du pays où elle se proposait d’aller chercher un refuge. Il lui fallut peu de couleurs cependant pour peindre le paradis de ses montagnes. « Elles étaient plus hautes et plus magnifiques que celles de Breadalbane, et Ben Cruachan n’était qu’un nain près de Skooroora. Les lacs étaient plus profonds et plus larges, outre qu’ils abondaient non-seulement en poissons, mais en animaux enchantés, monstres amphibies qui fournissent l’aliment des lampes[2] ; les daims étaient plus beaux et en plus grand nombre ; le sanglier aux blanches défenses, et que le brave aime à chasser de préférence, peuplait aussi ces solitudes occidentales. Les hommes y étaient plus nobles, plus sages, plus forts que la race dégénérée

  1. La montagne noire. a. m.
  2. Les veaux marins sont considérés par les montagnards comme des princes enchantés. a. m.