Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/170

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tagnard n’était plus heureux que dans ces occasions. Il y avait dans un voyage de cette espèce une variété qui plaisait à la curiosité naturelle et à l’amour du mouvement qui distinguent le Celte ; il y trouvait le changement continuel de lieux et de scènes, les aventures, les incidents inséparables de ce métier, et des relations soit avec les fermiers, soit avec les nourrisseurs et les marchands, qui convenaient d’autant plus à Donald[1], qu’elles ne nécessitaient aucune dépense de sa part. Il éprouvait même dans ce métier des sentiments qui flattaient intérieurement son amour-propre, et lui donnaient une haute idée de son habileté ; car le montagnard, qui n’est qu’un enfant parmi des troupeaux de moutons, devient un prince au milieu de ses bœufs, et ses habitudes naturelles lui font mépriser la vie indolente et monotone du berger. Ainsi donc, il ne se sent jamais plus heureux que quand il commande un troupeau de bestiaux de son pays confié à ses soins.

Parmi ceux qui, ce jour-là, quittèrent Doune dans le but dont nous venons de parler, aucun ne mettait sa toque d’un air plus galant, ou n’attachait au-dessous des genoux ses bas de tartan à des jambes d’aussi bonne tournure, que Robin M’Combich, appelé familièrement Robin Oig, c’est-à-dire Robin le jeune, ou le petit. Quoique court de stature, et sans avoir des membres vigoureux, comme l’épithète de Oig l’indique, il était aussi léger et aussi alerte qu’un daim des montagnes. Son pas avait, dans le cours d’une longue marche, une élasticité qui excitait l’envie de plus d’un de ses robustes compagnons ; et la manière dont il ajustait son plaid et plaçait sa toque indiquait la conviction intérieure où il était qu’un aussi galant John Highlandman ne pouvait passer devant de jeunes filles des basses terres sans être remarqué. Ses joues rubicondes, ses lèvres vermeilles, ses dents blanches, faisaient ressortir une physionomie à laquelle l’habitude d’être exposée à l’inconstance des saisons et au grand air avait donné le coloris de la santé et de la vigueur, plutôt que celui de la rudesse. Si Robin Oig ne riait pas, et même ne souriait pas souvent, ce qui n’est guère conforme aux usages de ses compatriotes, ses yeux vifs brillaient, en revanche, sous sa toque, avec une expres-

  1. Donald et Ronald sont des noms de famille des hautes terres en Écosse, et c’est ainsi qu’on appelle quelquefois les montagnards écossais, à cause de la multiplicité de ces noms.
    Les Écossais ont aussi pour sobriquet Sawney (corruption d’Alexandre), comme on appelle les Anglais John Bull, les Irlandais Pat (corruption de Patrick), et les Américains Jonathan. a. m.