Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sion de bonne humeur qui paraissait toujours prête à se changer en joie.

Le départ de Robin Oig fut un événement dans la petite ville où il avait, ainsi que dans les environs, un grand nombre d’amis parmi les deux sexes. C’était un personnage marquant dans sa classe ; il faisait des affaires considérables pour son propre compte, et il possédait la confiance des meilleurs fermiers des montagnes, de préférence à tous les bouviers du pays. Il aurait pu donner à ses affaires une plus grande extension s’il avait voulu y associer quelqu’un ; mais, à l’exception de deux jeunes garçons, fils de sa propre sœur, Robin rejetait l’idée de tout auxiliaire, de tout associé, sentant peut-être que sa réputation dépendait de sa persévérance à remplir en personne et dans toutes les occasions, les devoirs de sa profession. Il se contentait donc du haut prix accordé aux gens les plus habiles de son état, et nourrissait secrètement l’espérance de se mettre, par quelques voyages en Angleterre, en état d’entreprendre des affaires pour son propre compte, et d’une manière digne de sa naissance. En effet, le père de Robin Oig, Lachlan M’Crombich, c’est-à-dire fils de mon ami, car son véritable surnom de clan était M’Gregor, avait été ainsi nommé par le célèbre Rob Roy, à cause de l’amitié particulière qui avait subsisté entre le grand-père de Robin et ce fameux cateran. Quelques personnes prétendent même que Robin Oig tirait son nom de baptême d’un homme aussi renommé dans les solitudes sauvages de Lochlomon, que l’avait été Robin Hood dans la joyeuse forêt de Sherwood. « Qui ne serait fier de tels ancêtres ? » dit James Boswell. Robin Oig était donc orgueilleux de son origine ; mais ses fréquents voyages en Angleterre et dans les basses terres lui avaient donné assez de tact pour savoir que des prétentions à cet égard, admissibles dans sa vallée solitaire, pouvaient paraître ridicules et lui devenir nuisibles, s’il cherchait à s’en prévaloir ailleurs. L’orgueil de la naissance était donc pour lui, comme le trésor de l’avare, l’objet secret de sa contemplation, sans qu’il osât en faire étalage aux yeux de l’étranger.

Les félicitations et les heureux souhaits furent prodigués à Robin Oig. Les connaisseurs firent un grand éloge de ses troupeaux, principalement des bêtes à cornes qui étaient la propriété de Robin. Les uns lui tendaient leurs tabatières pour la prise du départ, les autres lui offraient le doch-an-dorroch, ou coup de l’étrier, et tous s’écriaient : « Bon voyage et bon retour ! bonne chance au