Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/198

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ment cousu et relié, le besoin de le communiquer à quelqu’un devint indomptable. Janet était inexorable, et semblait déjà ennuyée de ma confidence littéraire ; car, dès que je m’efforçais de revenir sur ce sujet, après l’avoir évité aussi long-temps qu’il lui était possible, elle faisait, sous un prétexte ou sous un autre, une retraite en règles à la cuisine ou au grenier, ses domaines privés et inviolables. Mon éditeur aurait bien été une ressource naturelle ; mais il entend trop bien son affaire, et la suit de trop près, pour désirer ouvrir des discussions littéraires, considérant fort sagement que celui qui a des livres à vendre a rarement le loisir de les lire. Puis mes connaissances, maintenant que j’ai perdu mistress Bethune Baliol, se composent uniquement de personnes que je vois accidentellement et de loin en loin : aussi n’avais-je pas assez de hardiesse pour leur communiquer la nature de mon inquiétude, et probablement elles n’auraient fait que se moquer de moi, si j’avais essayé de les intéresser à mes travaux.

Réduit ainsi à une sorte de désespoir, je pensai à mon ami et homme d’affaires, M. Fairscribe. Ses habitudes, à vrai dire, ne semblaient pas devoir le rendre indulgent pour la littérature légère, et même j’avais vu plus d’une fois ses filles, et surtout ma petite chanteuse, serrer vite dans leur ridicule ce qui ressemblait fort à un volume de cabinet de lecture, aussitôt que le père entrait dans l’appartement. Mais c’était un ami éprouvé, presque mon unique ami, et j’étais convaincu qu’il prendrait intérêt au volume par amitié pour l’auteur, quand l’ouvrage lui-même ne lui en inspirerait pas. Je lui envoyai donc le livre sous enveloppe, en le priant de me faire connaître son opinion sur le contenu ; et toutefois j’affectais d’en parler avec ce ton déprédateur qui exige une contradiction complète, si le correspondant possède un grain de civilité.

Cette communication eut lieu un lundi, et j’attendais chaque jour une invitation (car j’étais honteux de la prévenir en me présentant sans être convié, quoique sûr d’un bon accueil) : je m’attendais à être invité soit à manger un œuf, suivant l’expression favorite de mon ami, soit à venir prendre le thé avec les miss Fairscribe, soit enfin à déjeuner du moins avec mon digne et hospitalier homme d’affaires, avec mon bienfaiteur, pour causer du contenu de mon paquet. Mais les heures et les jours s’écoulèrent du lundi au samedi, et rien ne me prouvait encore que mon envoi fût parvenu à sa destination. « C’est fort extraordinaire, et peu