Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/340

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— Non… car pour le faire il fallait de la tête et de l’esprit. Mais c’est toi, misérable qui as exécuté le plan combiné par un génie plus audacieux ; c’est toi qui as attiré la femme vers cette rive étrangère, sous prétexte d’un amour qui, de ta part, infâme, n’avait jamais existé.

Paix, oiseau de malheur ! répondit Middlemas, ne me pousse pas à une frénésie qui pourrait me faire oublier que tu es une femme.

— Une femme, poltron ! est-ce là ton prétexte pour m’épargner ?… qu’es-tu donc, toi que font trembler les regards d’une femme, les paroles d’une femme ? Je suis une femme, renégat, mais une femme qui porte un poignard, et qui méprise autant ta force que ton courage. Je suis une femme qui a regardé plus d’hommes mourants que tu n’as tué de daims et d’antilopes. Tu as voulu t’agrandir à tout prix… tu t’es jeté, comme un enfant de cinq ans, dans les jeux terribles des hommes, mais tu seras renversé à terre, puis foulé aux pieds. Tu veux être doublement traître, en vérité !… livrer ta fiancée au prince, pour obtenir les moyens de livrer le prince aux Anglais, et mériter ainsi le pardon de tes compatriotes ; mais tu ne me trahiras point, moi. Je ne servirai pas d’instrument à ton ambition… je ne prêterai pas le secours de mes trésors et de mes soldats, pour être sacrifiée à cette figure de cire du Nord. Non, je t’épierai comme le démon épie le sorcier. Fais seulement mine de vouloir me trahir pendant que nous sommes ici, et je te dénonce aux Anglais, qui pourraient pardonner au misérable s’il avait réussi, mais non au lâche qui ne sait que demander honteusement la vie, au lieu d’offrir d’utiles services. Que je te voie broncher quand nous aurons repassé les Ghauts, et ce nabab connaîtra tes intrigues avec les Nizams et les Mahrattes, et ta résolution de livrer Bangalore aux Anglais, lorsque l’imprudence de Tippoo t’aura élevé au grade de killedar. Va où tu voudras, esclave, tu me retrouveras toujours ta maîtresse.

— Et une belle maîtresse, quoique peu obligeante, » dit le faux Sédoc, changeant toujours de ton pour prendre une voix tendre. « Oui, j’ai pitié de cette malheureuse femme ; oui, je voudrais la sauver si je pouvais… mais c’est une criante injustice de supposer que je voudrais, en quelque circonstance que ce soit, la préférer à ma Nourjehan, ma lumière du monde, ma Mootee Mahul, ma perle du palais…

— Fausse monnaie, compliments vains que tout cela, interrom-