Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/342

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toute hâte vers la partie de Madras, qu’habitent les Européens, ou, comme on l’appelle, vers le fort Saint-George.

« Je la sauverai, se disait-il, avant que Tippoo puisse saisir sa proie, nous ferons retentir à ses oreilles une tempête qui chasserait le dieu de la guerre des bras de la déesse de la beauté. La trappe se refermera sur ce tigre indien, avant qu’il ait le temps de dévorer l’appât qui l’attirera dans le piège. »

Tandis que Middlemas s’abandonnait à ces espérances, il approchait de la Résidence. La sentinelle en faction l’arrêta ; mais il avait le mot d’ordre, et entra sans obstacle. Il tourna le bâtiment qu’habitait le président du conseil, homme capable et actif, mais sans conscience, qui, pour ses propres affaires, comme pour celles de la compagnie, n’était pas trop délicat sur le choix des moyens qu’il employait pour arriver à son but. À un léger coup frappé à une petite poterne, répondit un esclave noir qui fit monter Middlemas par un escalier de derrière, dépendance nécessaire de tout séjour d’un gouverneur. Cet escalier, qui tournait plusieurs fois sur lui-même, le conduisit enfin au cabinet du bramin Paupiah, dubash ou intendant du grand personnage, qui se servait de lui pour correspondre avec les cours du pays, et mener de mystérieuses intrigues dont il n’informait pas ses confrères dans la chambre du conseil.

C’est peut-être rendre justice au coupable et malheureux Middlemas que de supposer que, si un officier anglais se fût trouvé là, il aurait pu se déterminer à s’en remettre à sa merci, à lui expliquer d’un bout à l’autre le honteux marché qu’il avait conclu avec Tippoo, et, que, renonçant à ses criminels projets d’ambition ; il n’aurait plus songé qu’aux moyens de sauver miss Grey, tandis qu’elle était encore sous la protection britannique. Mais l’homme maigre et brun qui se tenait devant lui, vêtu d’une robe de mousseline brodée d’or, était Paupiah, connu comme le principal conseiller des ténébreux projets ; Machiavel oriental, dont les rides prématurées étaient le résultat de nombreuses intrigues dans lesquelles l’existence du pauvre, le bonheur du riche, l’honneur des hommes et la chasteté des femmes, avaient été sacrifiés sans scrupule pour obtenir quelque avantage politique ou particulier. Il ne s’informa pas même des moyens par lesquels le renégat anglais pensait acquérir près de Tippoo le crédit qui pourrait le mettre à même de trahir ce prince… il désirait seulement être assuré que le fait était réel.