Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/365

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sité d’en voir le dénoùument ; mais aucun ne laissait percer la moindre trace de ce désir sur son visage habitué dès long-temps à cacher tout sentiment intérieur. Les émotions de la bégum n’étaient pas visibles, grâce à son voile. Mais, malgré ses violents efforts pour déguiser ses alarmes, la sueur tombait à grosses gouttes du front de Richard Middlemas. C’est alors que le nabab prononça ces paroles qui résonnèrent comme une douce harmonie aux oreilles d’Hartley.

« Conduisez la femme féringi à la tente du sirdar Belash Cassim (c’était le chef à qui Hartley avait été confié). Qu’elle soit traitée en tout honneur, et qu’il se prépare à l’escorter avec le vakeel et le hakim Hartley, jusqu’au Payeen-Ghaunt (le pays au delà des défilés) : il répond de leur sûreté sur sa tête. » La litière était en route vers les tentes du sirdar, avant que le nabab eut fini de parler. « Quant à toi, Tippoo, continua Hyder, je ne suis point venu ici pour te ravir ton autorité, ou t’humilier devant le durbar. Les choses que tu as promises à ce Féringi, il faut les tenir. Le soleil ne redemande pas la splendeur qu’il prête à la lune, et le père ne ternit pas la dignité qu’il a conférée à son fils : les promesses que tu as faites, il faut les exécuter sur-le-champ. »

En conséquence, on reprit la cérémonie d’investiture par laquelle le prince Tippoo remettait à Middlemas le gouvernement important de Bangalore, sans doute avec la résolution intérieure, puisqu’on lui enlevait la possession de la belle Européenne, de saisir la première occasion qui se présenterait pour ôter cette charge au nouveau killedar : quant à Middlemas, il la recevait avec l’espérance de pouvoir encore trahir et le père et le fils. L’acte d’investiture fut lu à haute voix… la robe d’honneur fut mise sur le dos du killedar nouvellement créé, et des centaines de voix, tout en bénissant le choix sage de Tippoo, souhaitèrent au gouverneur bonne fortune et triomphe sur ses ennemis.

On amena ensuite un cheval, présent du prince. C’était un beau coursier de la race de Cuttyawar, à haute encolure, à large croupe ; il était de couleur blanche, mais l’extrémité de sa queue et de sa crinière était teinte en rouge ; la selle était de velours écarlate, la bride et la croupière garnies de clous dorés. Deux esclaves montés sur des chevaux plus petits conduisaient ce fringant animal, l’un portant la lance, l’autre la longue javeline de leur maître. Le cheval fut montré aux courtisans, qui applaudirent encore plus, et emmené pour être conduit en pompe par les