Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/123

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l’autre, qu’une improvisation de Rory-Dall[1], s’il pouvait venir recommencer sa vie errante. Allez-vous-en frapper à la porte de la mère Gregson ; procurez-vous ce dont vous avez besoin, attendez-y jusqu’à onze heures du matin, et si vous voyez Robin, envoyez-le-moi.

— N’irai-je donc pas à la danse ? » demanda Meggie d’un ton désappointé.

« Et pourquoi iriez-vous ? » répondit son seigneur et maître. « Pour danser toute la nuit, n’est-ce pas ? et ne pouvoir avancer de la longueur de votre semelle demain matin, quand nous avons dix milles d’Écosse à faire ? Non, non. « Mettez votre cheval à l’écurie, et votre femme au lit, quand vous avez à travailler la nuit. »

— Eh bien, en bien, mon cher Willie, vous savez ce qui convient le mieux ; mais, au moins, prenez bien garde à vous, et songez que vous n’avez plus le bonheur d’y voir.

— Votre langue finira par me lasser du bonheur d’entendre femme, » répliqua Willie en réponse à cette tendre exhortation.

Mais j’intervins alors dans mon propre intérêt. « Attendez donc, bonnes gens, rappelez-vous qu’il faut que j’envoie l’enfant à Mont-Sharon, et si vous, ma brave femme, vous retournez à Shepherd’s Bush, comment diable pourrai-je conduire l’aveugle au lieu où il veut se rendre ? Je ne connais que peu ou point le pays.

— Et vous connaissez encore moins mon cher homme, monsieur, répliqua Meggie, si vous croyez qu’il a besoin de guide ; il est lui-même le meilleur de tous ceux qu’on pourrait trouver entre Criffell et Carlisle : routes pour les chevaux et routes pour les piétons ; chemins vicinaux et chemins communaux, grandes routes et routes de traverse, il connaît chaque pouce de terrain dans le Nithsdale.

— Oui-dà ! vous auriez pu dire dans toute l’Écosse, la mère, ajouta le ménétrier. Mettez-vous en route, Meggie, voici le premier mot sensé que vous ayez prononcé de la journée. Je voudrais que la nuit fût sombre, qu’il plût, qu’il fît du vent, pour l’instruction de monsieur, afin de lui faire voir qu’il est des instants où un aveugle y voit mieux encore que des personnes qui ont leurs yeux ; car je suis aussi sûr de mon chemin dans l’obscurité qu’en plein jour. »

  1. Joueur de cornemuse, dont il est parlé dans Waverley. a. m.