Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/124

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Peu fâché intérieurement que mon compagnon n’eût pas à me donner cette dernière preuve de son habileté, j’écrivis un billet au crayon, où j’ordonnais à Samuel de m’amener mes chevaux à minuit, heure à laquelle je pensais que ma fantaisie serait passée, au lieu que lui indiquerait le porteur, et j’envoyai le petit Benjie d’autre part porter mes excuses au digne quaker.

Comme nous partions dans nos différentes directions, la bonne femme me dit : « Oh ! monsieur, si vous demandiez seulement à Willie de vous conter une de ses histoires pour abréger la route ! Il sait parler comme un ministre du haut d’une chaire, et même il aurait été ministre, mais…

— Retenez votre langue, folle ! — Mais attendez, Meg, — embrassez-moi ; il ne faut pas nous quitter fâchés, non plus. » — Et nous nous séparâmes ainsi.


LETTRE XI.

LE MÊME AU MÊME.


Il faut vous figurer maintenant que vous nous voyez parcourir chacun de notre côté les dunes désertes. Là, c’est le petit Benjie qui court vers le nord, avec Hemp sur ses talons, s’enfuyant tous deux comme s’il s’agissait de la vie, aussi long-temps que le polisson sait que son maître peut l’apercevoir, mais comptant bien marcher tout à son aise dès qu’il sera hors de vue. En regardant à l’ouest, vous voyez la haute taille et le chapeau à forme élevée de Meggie, qui a rejeté son manteau sur son épaule gauche pour être plus agile, s’obscurcir à mesure que la distance diminue sa grandeur, et que les rayons du soleil, déjà de niveau avec la mer, commencent à s’y enfoncer.

Puis, vous tournant avec célérité vers l’orient, vous apercevez en plein Darsie Latimer, avec sa nouvelle connaissance, Willie le voyageur ; ce dernier touche de temps à autre la terre avec son bâton, non pas d’une manière incertaine et timide, mais avec l’air confiant d’un pilote expérimenté qui jette la sonde dans un endroit où il sait par cœur la hauteur de l’eau, et s’avance avec autant d’assurance et de hardiesse que s’il possédait les yeux d’Argus. Ils cheminent, chacun avec son violon pendu derrière le dos,