Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/213

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— Ne craignez rien, dis-je, je vous paierai vingt violons comme celui-là.

— Vingt comme celui-là ! Je vois bien que vous ne vous y connaissez pas. Le pays ne possède pas son pareil. Mais si Votre Honneur voulait nous le payer, et l’action serait méritoire sur cette terre et dans le ciel, où prendriez-vous l’argent ?

— J’en ai suffisamment sur moi, » répondis-je en essayant de pousser ma main jusqu’à mon gousset ; « dénouez-moi ces bandages, et je vous en donnerai sur l’heure. »

Cette assurance parut l’émouvoir, et elle s’approchait de mon lit pour me délivrer de mes liens, ainsi que je l’espérais, lorsque des acclamations plus proches et plus furieuses se firent entendre, comme si les coquins n’étaient plus loin de la chaumière.

« Je n’ose pas, — je n’ose pas, dit la pauvre femme, ils m’assassineraient moi et mon cher Willie, et ils nous ont déjà assez maltraités ; — mais s’il y a une autre chose au monde que je puisse faire pour Votre Honneur, ordonnez. »

Ces paroles me rappelèrent à mes souffrances corporelles. L’agitation et les effets du mauvais traitement que j’avais reçu m’avaient donné une soif brûlante. Je demandai de l’eau pour boire.

« Le Dieu tout-puissant garde Epps Ainslie de donner à un beau jeune homme malade de l’eau froide toute pure, et quand il a la fièvre. Non, non, mon cher enfant, laissez-moi faire, je vais tout arranger pour le mieux.

— Donnez-moi tout ce que vous voudrez, répliquai-je, pourvu que ce soit liquide et frais. »

La femme me donna une grande corne remplie de liqueurs fortes un peu coupées d’eau. Je la vidai d’un trait, sans prendre la peine de demander quel en était le contenu. Ces liqueurs, avalées d’une telle manière, agirent plus rapidement qu’à l’ordinaire sur mon cerveau ; il y avait peut-être aussi quelque drogue mêlée à ce breuvage. Après l’avoir bu, tout ce que je me rappelle, c’est que les objets commencèrent à danser autour de moi, et que la figure de cette femme sembla se multiplier et m’apparaître aux deux côtés de mon lit en même temps, portant toujours les mêmes traits. Je me souviens aussi que le vacarme et les cris discordants du dehors me semblèrent mourir et s’éteindre, comme le refrain que chante une nourrice pour endormir son nourrisson. Enfin je tombai dans un profond sommeil, ou plutôt dans un état de complète insensibilité.