Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/338

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CHAPITRE XIV.

SUITE DES AVENTURES D’ALAN FAIRFORD.

HISTOIRE DE NANTY.


Nous avons laissé Alan Fairford sur le tillac du petit brick contrebandier, dans la situation pénible d’un homme que viennent assaillir le mal de mer et ses nausées, lorsqu’il souffre déjà de la migraine et de la fièvre, et que son esprit est en proie à l’inquiétude. Ses douleurs pourtant n’étaient pas assez vives pour lui ôter tout sentiment et détourner tout à fait son attention de ce qui se passait autour de lui. S’il ne pouvait jouir avec ravissement de la vitesse et de l’agilité avec lesquelles le petit bâtiment fendait les vagues, ou admirer la beauté de la perspective que la mer déroulait à ses yeux, et que bornait dans le lointain le Skiddaw élevant son front comme pour défier les sommets couverts de nuages du Criffel qui dominait sur la rive écossaise de la Solway, — il avait assez de courage et de calme pour donner une attention particulière au capitaine du bâtiment, sur le caractère duquel reposait, suivant toute apparence, sa propre sûreté.

Nanty Ewart avait alors abandonné le gouvernail à un de ses gens, vieux drôle à tête chauve et à sourcils grisonnants, qui avait passé toute sa vie à éluder les lois de la douane, sauf de temps à autre des relâches de quelques mois occasionnées par un emprisonnement que lui avaient valu ses voies de fait envers les officiers de l’excise, ses résistances aux saisies, et d’autres vétilles semblables.

Nanty était venu s’asseoir près de Fairford, lui servait du thé et lui proposait tous les breuvages qu’il pouvait imaginer ; bref, il paraissait désirer sincèrement de remédier à son mal, autant que la chose était possible. Fairford eut ainsi occasion d’étudier de plus près sa physionomie et ses manières.

Il était évident que Nanty, quoique bon marin, n’avait pas été élevé pour la mer. Il avait, à coup sûr, fait d’assez bonnes études, et semblait ravi de le prouver en empruntant de nombreuses citations à Salluste et à Juvénal, tandis que, d’un autre côté, les