Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/441

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devant deux cours : — elle m’a coûté plus d’argent que ne valaient ses oreilles.

— Ah ! au nom du ciel ! répliqua Nanty, je donnerais mille guinées si je les avais pour que vous fussiez digne de mes soufflets. Si vous aviez dit que vous vous repentiez, c’eût été une affaire entre Dieu et votre conscience ; mais vous entendre vous glorifier de votre vilenie ! — Croyez-vous que ce soit peu de chose que d’avoir réduit une vieille femme à la misère, et une jeune fille à l’infamie, — d’avoir causé la mort de l’une et la ruine de l’autre, — d’avoir poussé un homme à l’exil et au désespoir ? De par celui qui m’a fait, j’ai peine à ne pas vous prendre au collet !

— Mettez donc la main sur moi ! — je vous en défie ! — je prends cet honnête homme à témoin que si vous touchez seulement du bout du doigt mon habit, je pourrai vous intenter une action pour violence, voies de fait, coups et outrage. Voilà bien du tapage en vérité pour une vieille femme qui est en terre, pour une jeune fille qui court les rues et les carrefours, pour un méchant drôle qui écume la mer au lieu de figurer à une potence !

— Oh ! sur mon âme, c’est trop fort ! et puisque vous ne pouvez sentir autrement, je vais voir en vous rouant de coups si vous avez quelque humanité dans la tête et les épaules. »

Il tira son sabre en parlant ainsi, et quoique Josué, qui avait vainement tenté d’interrompre le dialogue dont il prévoyait la fin tragique, se fut jeté alors entre Nanty et le vieux plaideur, il ne put empêcher celui-ci de recevoir sur le dos deux ou trois bons coups du plat de la lame.

Le pauvre Pierre Peebles, aussi piteux dans ce moment critique qu’il avait montré de présomption en s’attirant cette punition, se mit à s’enfuir, à jeter les hauts cris, à courir dans l’appartement et dans la maison même, poursuivi par Nanty, dont la colère augmentait à mesure qu’il s’y abandonnait davantage, et par Josué qui intervenait encore à tout risque, suppliant Nanty de songer à l’âge et à l’état misérable de l’offenseur, et le pauvre Pierre de s’arrêter et de se mettre sous sa protection. En face de la maison pourtant, Pierre Peebles trouva un protecteur plus efficace que le digne quaker.