Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/76

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le matin en fort petite quantité avaient été promptement digérés.

« Voyons, dit Josué, n’emploie pas le langage du monde avec ceux qui y renoncent. Si cette pauvre politesse devait me gêner, peut-être ne l’eussé-je pas faite.

— Alors j’accepte votre invitation, dans le même esprit que vous l’avez faite. »

Le quaker sourit, et me tendit la main ; je la serrai, et nous poursuivîmes notre route, très-satisfaits l’un de l’autre. Le fait est que je prenais un vif plaisir à comparer en moi-même les manières ouvertes de cet excellent Josué Geddes, avec l’air brusque, sombre et fier de l’homme qui m’avait logé le soir précédent. Tous deux étaient ennemis du cérémonial ; mais la franchise du quaker avait un caractère de simplicité religieuse, et se mêlait à une bonté plus réelle, comme si l’honnête Josué désirait suppléer par sa sincérité à son manque de formules polies. Au contraire, les façons du pêcheur étaient celles d’un homme à qui les usages de la bonne compagnie sont familiers, mais qui, par orgueil ou misanthropie, dédaigne de les observer. Je songeais encore à lui avec intérêt et curiosité, malgré tout ce qu’il avait de peu prévenant ; et je me promettais bien, dans le cours de mes causeries avec le quaker, d’apprendre tout ce qu’il savait sur cet homme. Il fit néanmoins prendre à la conversation un tour différent, et me demanda quelle était ma propre condition dans le monde, et mon but en visitant cette frontière éloignée.

Je déclinai mon nom, et j’ajoutai seulement que j’avais été élevé pour le barreau ; mais me trouvant jouir d’une certaine indépendance, je m’étais permis depuis peu quelque distraction, et je demeurais à Shepherd’s Bush pour me livrer au plaisir de la pêche.

« Ce n’est pas te vouloir du mal, jeune homme, dit mon nouvel ami, que de te souhaiter une meilleure occupation pour tes heures de travail, et un amusement plus humain, si tu as besoin de t’amuser, pour celles où tu te délasses.

— Vous êtes sévère, monsieur, répondis-je. Je vous ai entendu, il n’y a qu’un instant, vous en remettre à la protection des lois du pays ; — s’il y a des lois, il faut des jurisconsultes pour les expliquer, et des juges pour en faire l’application. »

Josué sourit, et, me montrant des brebis qui paissaient au milieu des dunes que nous traversions : « Si un loup, dit-il, venait