Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/8

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son premier caractère ; il jouit pendant un certain intervalle de la gloire qu’il avait obtenue dans sa périlleuse tentative. Ceux qui purent voir dans sa conduite postérieure une froide insensibilité pour la détresse de ses compagnons, jointe à ce soin égoïste de ses propres intérêts, que l’on a souvent reproché à la famille des Stuarts, et qui est la conséquence naturelle des principes du droit divin dans lesquels cette famille fut élevée, ceux-là sont aujourd’hui généralement regardés comme des gens mécontents et aigris, qui, se trouvant enveloppés dans la ruine d’une cause perdue, se livrèrent contre leur chef à des reproches qu’il ne méritait pas. Mais ces reproches furent rares parmi ceux de ses compagnons qui, si l’ingratitude du prince eût été réelle, auraient eu le plus de droit de s’en plaindre. Loin de là, la plupart de ces infortunés gentilshommes souffrirent avec une patience pleine de dignité : ils se montrèrent ou trop fiers pour se souvenir des mauvais traitements qu’ils recevaient du prince, ou trop prudents pour ne pas sentir que leurs doléances eussent trouvé peu de sympathie. On peut ajouter que la plus grande partie des jacobites bannis, et surtout les plus distingués d’entre eux, furent peu à portée de sentir l’influence du caractère et de la conduite du prince.

Cependant l’insurrection de 1745-1746 n’avait été qu’une petite partie de l’immense conspiration jacobite, une action de détail engagée par cela seul que le plan général avait échoué. L’ensemble des opérations fut repris par les jacobites d’Angleterre, qui avaient conservé leurs forces en évitant de les compromettre dans une bataille. L’effet surprenant obtenu avec si peu de ressources en 1745-1746, leur donna l’espoir de remporter des succès plus importants, quand l’intérêt de tous les Anglais qui refusaient le serment à la royauté nouvelle, intérêt identifié avec celui d’une grande partie des gentilshommes propriétaires, pousserait enfin à l’accomplissement de ce qui avait été entrepris d’une manière chevaleresque par quelques chefs des Highlands.

Il est probable que les jacobites ne furent pas capables de voir que la très-petite échelle sur laquelle ils avaient combiné leurs efforts, était en grande partie la cause d’un succès aussi inattendu. La diligence remarquable qui signala la marche des insurgés, leur bonne discipline, l’union et l’unanimité même qui régnèrent pendant quelque temps dans leurs conseils, ils ne durent tout cela qu’à leur petit nombre. Malgré la défaite de Charles-Édouard,