Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/161

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était presque tombé en ruine. Les occupations de ses anciens propriétaires, et surtout la catastrophe du dernier occupant, ont contribué à faire de l’endroit un lieu d’habitation peu souhaitable. — Ne remarquait-on rien de surnaturel, répliqua l’Anglais, dans la jeune baronne qui épousa le frère du landamman ? — À en croire la renommée, il court des bruits étranges sur son compte. On dit que les nourrices ont vu, au milieu de la nuit, Hermione, dernière baronne d’Arnheim, pleurer auprès du berceau de l’enfant ; on dit encore mille autre choses semblables. Mais je parle ici d’après des renseignements beaucoup moins exacts que ceux sur lesquels je fonde le récit que vous venez d’entendre. — Eh bien, puisqu’on doit nécessairement croire ou rejeter une histoire, suivant les preuves que l’on peut en donner, j’oserai vous prier de me dire quelle est l’autorité en laquelle vous mettez tant de confiance ? — Très volontiers. Sachez que Théodore Donnerhugel, page favori du dernier baron d’Arnheim, était frère de mon père. À la mort de son maître, il se retira dans sa ville natale, à Bâle, où il employa presque tout son temps à m’apprendre le maniement des armes et tous les autres exercices militaires aussi bien d’Allemagne que de Suisse, car il était passé maître dans tous. Il vit de ses propres yeux et entendit de ses propres oreilles la plus grande partie des événements tristes et mystérieux que je vous ai détaillés. Si jamais vous visitez Berne, vous y pourrez voir le bon vieillard. — Vous pensez donc que l’apparition que j’ai vue cette nuit n’est pas sans rapport avec le mystérieux mariage de l’aïeul d’Anne de Geierstein ? — Ah ! ne croyez pas qu’il me soit possible de vous donner une explication quelconque d’une si étrange chose. Je puis seulement dire qu’à moins de vous faire l’injure de ne pas croire votre témoignage relativement à l’apparition de ce soir, je ne vois moyen de l’expliquer qu’en se rappelant qu’il y a une portion du sang de la jeune personne qu’on pense ne pas venir de la race d’Adam, mais plus ou moins directement de ces esprits élémentaires dont il a été question dans les temps anciens aussi bien que dans les modernes. Mais je puis me tromper. Nous verrons comment elle se porte ce matin, et s’il reste sur sa figure des traces de fatigue et de pâleur indiquant une veille nocturne. S’il n’en est rien, nous pourrons être autorisés à croire que vos yeux vous ont étrangement trompé, ou qu’ils ont été éblouis par le fantôme d’un être qui n’est pas de ce monde. »

Le jeune Anglais n’essaya point de répondre à ce discours, et il