Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/165

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le Bernois : cela ne peut toucher personne, ni intéresser la sûreté générale ; mais je ne manquerai pas, quelque jour, d’en causer avec Anne. »

Cette dernière remarque causa autant de peine à Arthur que la proposition de silence absolu sur une affaire si délicate lui avait procuré de satisfaction. Mais son mécontentement était d’une nature qu’il crut nécessaire de cacher, et il répondit en conséquence avec autant de tranquillité que possible :

« Vous agirez, seigneur capitaine, comme votre sentiment du devoir et votre délicatesse vous y engageront. Quant à moi, je garderai le silence sur ce que vous appelez les étranges événements de la nuit, rendus doublement merveilleux par le rapport de Sigismond Biederman. — Et aussi sur ce que vous avez vu et entendu relativement à nos auxiliaires de Berne ? — Je me garderai certainement d’en parler, à moins que je n’aie résolu d’apprendre à mon père le risque que court son bagage d’être examiné et saisi aux portes de La Ferette. — C’est inutile ; je réponds sur ma tête et mon bras de la sûreté de toute chose lui appartenant. — Je vous remercie en son nom ; mais nous sommes de pacifiques voyageurs, qui devons plutôt désirer d’éviter une querelle que d’y donner lieu, quand même nous serions sûrs d’en sortir avec avantage. — Ce sont les sentiments d’un marchand, mais non d’un soldat, » dit Rudolphe d’un ton froid et mécontent : « au reste cette affaire vous regarde, vous devez agir comme il vous plaira. Seulement rappelez-vous que, si vous allez à La Ferette sans nous, vous exposez vos marchandises et votre vie. »

Ils entrèrent, en causant ainsi, dans l’appartement où reposaient leurs compagnons de voyage. Les hommes qui composaient la dernière patrouille s’étaient déjà couchés parmi leurs camarades endormis, à l’extrémité de la salle. Le landamman et le banneret de Berne écoutèrent Donnerhugel présenter son rapport et dire que les patrouilles, avant et après minuit, s’étaient faites en sûreté, sans qu’on rencontrât rien qui laissât craindre ou soupçonner aucun péril. Le Bernois s’enveloppa alors de son manteau, et, s’étendant sur la paille avec cette heureuse indifférence pour ses aises, et cette promptitude à saisir l’instant du repos, qui s’acquièrent par une vie dure et occupée, il dormit au bout de quelques minutes.

Arthur resta sur pied un peu plus long-temps, pour jeter un regard inquiet sur la porte de l’appartement d’Anne de Geierstein, et réfléchir aux merveilleuses circonstances de la nuit. Mais elles