Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gens à l’égard d’une ambassade pacifique ; mais le brave serviteur qui épargnera à son prince le scandale d’une pareille affaire, et dont les actes pourront porter le nom de méprise ou d’erreur, sera regardé, je vous en réponds, comme l’ayant servi en digne et loyal chevalier. Peut-être le duc lui froncera-t-il les sourcils en public, mais en particulier il saura lui montrer qu’il l’estime… Pourquoi gardez-vous ainsi le silence, l’ami ? Qu’est-ce qui trouble votre laid et sinistre visage ? Vous n’êtes pas effrayé, je pense, d’une vingtaine de jeunes Suisses, quand nous sommes à la tête d’une pareille bande de soldats ? — Les Suisses donneront et recevront de bons coups ; cependant ils ne me font pas peur. Mais je n’aime pas que nous mettions trop de confiance dans le duc Charles. Qu’il doive être content d’abord d’une insulte faite aux Suisses, c’est assez vraisemblable ; mais si, comme Votre Excellence le donnait à entendre, il trouvait ensuite convenable de désavouer l’action, il est prince à donner une couleur favorable à son désaveu en pendant les acteurs. — Bah ! je sais où je me place. Un pareil tour pourrait être joué par Louis de France, mais le caractère brusque et franc de notre Téméraire de Bourgogne n’en est pas capable. Pourquoi diable, ami, restez-vous encore là, souriant comme un singe devant une châtaigne rôtie, quand il la croit trop chaude pour ses doigts ? — Votre Excellence est sage aussi bien que guerrière, et il ne me convient pas de combattre vos volontés. Mais certe ambassade pacifique…. ces marchands anglais…. Si Charles est en guerre avec Louis, comme le bruit en court, le plus ardent de ses désirs doit être la neutralité de la Suisse et l’assistance de l’Angleterre, dont le roi passe la mer avec une grande armée. Or vous, seigneur Archibald d’Hagenbach, vous pouvez, dans le courant de cette matinée-ci, tenir une conduite qui fera prendre à tous les confédérés les armes contre Charles, et changera les Anglais d’alliés en ennemis. — Peu m’importe ! Je connais bien l’humeur du duc, et si lui, maître de tant de provinces, consent à les risquer par pure fantaisie, dites qu’y perdrait Archibald d’Hagenbach qui ne possède pas un pied de terre ? — Mais vous avez la vie à perdre, monseigneur. — Oui, la vie, un méchant droit d’exister, que j’ai toujours été prêt à jouer contre des dollars, même contre des kreutzers !… Croyez-vous donc que j’hésiterai à la risquer quand il s’agit de jacobus, de joyaux d’Orient et d’orfèvrerie de Venise ? Non, Kilian ; il faut que ces Anglais soient débarrassés de leurs balles, afin qu’Archibald d’Hagenbach puisse boire un vin plus sa-