Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/190

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paquet dans ses mains, examinant chaque pli avec attention, et regrettant sans doute en secret que trois ou quatre plaques de cire, placées sur une enveloppe de satin cramoisi, et des ligatures de soie tressée, empêchassent ses yeux avides de connaître la nature du trésor qu’il devait indubitablement cacher. Enfin il rappela les soldats, leur remit les deux prisonniers, commandant qu’on fît bonne garde sur l’un et l’autre, mais qu’on les séparât, et qu’on veillât particulièrement, avec le plus grand soin, sur le père.

« Je vous prends tous ici à témoin, » s’écria le vieux Philipson, sans faire attention aux signes menaçants d’Archibald, « que le gouverneur m’enlève et retient un paquet adressé à son très gracieux seigneur et maître, le duc de Bourgogne. »

Archibald écumait réellement de colère.

« Et pourquoi ne le retiendrais-je pas ? » s’écria-t-il d’une voix presque étouffée par la rage. « Ne peut-il pas y avoir quelque infâme malice contre la vie de notre gracieux souverain, quelque poison, dans ce paquet suspect que je trouve entre les mains d’un très suspect porteur ? N’avons-nous jamais entendu parler de poisons qui produisent leur effet rien que par l’odeur ? et devons-nous, nous qui gardons la porte, comme je puis dire, des domaines de Son Altesse de Bourgogne, donner accès à ce qui peut priver l’Europe de l’orgueil de sa chevalerie, la Bourgogne de son prince, et la Flandre de son père ?… Non ! emmenez ces mécréants, soldats… jetez-les dans les plus profonds cachots… gardez-les séparément, et veillez bien sur eux. Cette trahison a été ourdie de connivence avec les cantons de Berne et de Soleure. »

Ainsi se livrait à la fureur le seigneur Archibald d’Hagenbach, d’une voix élevée, d’un œil étincelant, se donnant toute sorte de peine pour se mettre en colère, jusqu’à ce qu’on n’entendît plus les pas ou le cliquetis des armes des soldats qui se retiraient avec les prisonniers. Son teint, lorsque ces bruits eurent cessé, devint plus pâle qu’il ne lui était naturel… son front se sillonna de rides inquiètes… et sa voix devint plus basse, plus tremblante qu’à l’ordinaire, lorsque, se tournant vers son écuyer, il lui dit : « Kilian, nous sommes sur une planche glissante, avec un torrent furieux sous nos pieds… que faut-il faire ? — Corbleu, avancer d’un pas résolu, mais prudent, répondit le rusé Kilian. Il est malheureux que tous ces drôles aient vu le paquet, et entendu l’appel de ce marchand à esprit de fer. Mais ce malheur est arrivé ; et maintenant que le paquet aura été entre les mains de Votre Excellence,