Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/319

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maintenant établit une communication entre les deux rives du fleuve, ou s’ils furent transportés sur l’autre bord par tout autre moyen. Il nous suffira de dire qu’ils traversèrent le Rhin sans malheur, et, lorsqu’ils eurent mis pied à terre, la baronne, soit qu’elle craignît qu’Arthur n’oubliât la recommandation qui lui avait été faite de la quitter en ce lieu, soit qu’elle pensât que le jeune Anglais dût avoir quelque chose à lui dire au moment de leur séparation, la baronne, avant de remonter à cheval, se rapprocha d’Arthur Philipson, qui ne devinait que trop bien ce qu’elle avait à lui annoncer.

« Cher étranger, dit-elle, il faut maintenant que je vous dise adieu ; mais d’abord permettez-moi de vous demander si vous savez où vous retrouverez votre père ? — À l’auberge du Cerf-Volant, » répondit Arthur d’un air abattu ; « mais où est située cette auberge dans une si grande ville ?… je n’en sais rien. — Connaissez-vous l’endroit en question, Ital Schreckenwald ? — Moi, jeune dame ?… non… Je ne connais ni Strasbourg ni ses auberges. Je pense que la plupart de nos gens sont aussi ignorants que moi. — Vous parlez allemand, ainsi qu’eux, je suppose, répliqua la baronne sèchement, et vous pouvez prendre des informations plus facilement qu’un étranger. Allez, monsieur, et n’oubliez pas que l’humanité envers les étrangers est un devoir de religion. »

Avec ce haussement d’épaules qui annonce qu’un ordre ne plaît pas, Ital alla prendre des renseignements, et son absence, si courte qu’elle fût, permit à Anne de dire à demi-voix : « Adieu !… adieu ! acceptez ce gage d’amitié, et portez-le pour l’amour de moi. Puissiez-vous être heureux ! »

Ses doigts délicats lui glissèrent dans la main une très petite boîte. Il se tourna pour la remercier, mais elle était déjà à quelque distance, et Schreckenwald, qui l’avait remplacée à côté de lui, dit avec sa rude voix : « Allons, seigneur écuyer, j’ai découvert le lieu de votre rendez-vous, et je n’ai pas beaucoup de temps à vous donner comme gentilhomme introducteur. »

Il se mit alors en marche, et Philipson monté sur son cheval de guerre le suivit en silence jusqu’à l’endroit où une large rue joignait ou plutôt traversait celle qui venait du quai où ils avaient débarqué.

« Vous voyez d’ici flotter le Cerf-Volant, « dit Ital en montrant du doigt une immense enseigne qui, entourée d’un grand cadre de bois, traversait presque toute la largeur de la rue ; « il vous serait