Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/321

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dignes d’être appréciées qu’elles sont plus rares, devait être sans doute inappréciable.

Elle ne manqua point de parole : au bout de quelques instants, le vieux Philipson entra dans l’écurie et serra son fils dans ses bras.

« Mon fils !… mon cher fils ! » s’écria l’Anglais, son stoïcisme habituel ne tenant plus contre le sentiment naturel et la tendresse paternelle… « bienvenu dans un instant de doute et de danger… et mieux venu que jamais dans un moment où se concentre la véritable crise de notre destinée. Dans peu d’heures je saurai ce que nous pouvons attendre du duc de Bourgogne… Avez-vous le gage ? »

La main d’Arthur chercha d’abord celui qui était le plus près de son cœur dans le sens littéral aussi bien qu’allégorique, savoir la petite cassette qu’Anne lui avait donnée en partant. Mais il se rappela aussitôt et présenta à son père le paquet qui avait été si étrangement perdu et retrouvé à La Ferette.

« Il a couru de grands risques, depuis que vous l’avez vu, dit-il à son père, et j’en ai couru aussi. J’ai reçu l’hospitalité la nuit dernière dans un château, et j’ai vu ce matin dans le voisinage un corps de lansquenets qui commençait à se mutiner pour obtenir sa paie. Les habitants du château ont pris la fuite pour échapper à leurs violences ; et comme nous passions devant leurs quartiers à la pointe du jour, un homme à la peau d’ours, qui était ivre, a tué mon pauvre cheval d’une balle, et j’ai été forcé, par manière d’échange, de prendre ce pesant animal flamand, avec sa selle d’acier et son lourd chanfrein. — Notre route est hérissée de périls, répliqua le père. J’en ai eu aussi ma part, car j’ai couru un grand danger dans une hôtellerie où je me suis arrêté la nuit dernière (il ne précisa point la nature du danger) ; mais j’en suis parti ce matin, et je suis arrivé ici en sûreté ; j’ai enfin cependant obtenu une escorte sûre pour me conduire au camp du duc près Dijon, et j’espère avoir une audience de lui ce soir. Alors si notre dernier espoir s’évanouit, nous gagnerons le port de Marseille, nous ferons voile vers Candie ou vers Rhodes, et nous consacrerons notre vie à la défense de la chrétienté, puisque nous ne pouvons plus combattre pour l’Angleterre. »

Arthur écouta sans répliquer ces paroles de mauvais augure ; mais elles n’en tombèrent pas moins mortellement sur son cœur, comme la sentence du juge qui sépare un criminel de la société et