Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/345

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frère Édouard IV, l’occasion qui se présentait de tirer une vengeance éclatante, et la riche acquisition qu’il espérait faire de la Provence par la renonciation de René d’Anjou et de sa fille en sa faveur, l’Anglais ne manqua point d’appeler toute son attention sur l’urgente nécessité de ne pas perdre un seul instant.

« L’accomplissement de ce projet, dit-il, demande la plus grande promptitude. Pour avoir une chance de succès, il faut que je sois en Angleterre avec les forces auxiliaires de Votre Altesse, avant qu’Édouard d’York puisse revenir de France avec son armée. — Et après être venu ici, répliqua le duc, notre digne frère ne se pressera nullement pour s’en aller. Il rencontrera des Françaises à l’œil bleu, et du vin français, couleur de rubis, et frère Blackburn n’est pas homme à renoncer si vite à de pareils avantages. — Monseigneur duc, je rendrai justice à mon ennemi. Édouard est indolent et voluptueux lorsque tout va bien autour de lui ; mais qu’il sente une fois l’aiguillon de la nécessité, il devient aussi ardent qu’un cheval bien nourri. Louis, aussi, qui manque rarement d’accomplir ses projets, doit s’attacher à persuader au roi d’Angleterre de repasser la mer… C’est pourquoi, de la promptitude, noble prince !… la promptitude est l’âme de votre entreprise. — De la promptitude ! ma foi, j’irai avec vous et je surveillerai moi-même l’embarcation, et les soldats que vous aurez seront choisis, éprouvés, tels enfin, que leurs pareils ne se trouvent que dans l’Artois et le Hainaut. — Pardonnez encore, noble duc, à l’impatience d’un malheureux qui se noie et qui presse pour qu’on le secoure… Quand nous dirigerons-nous vers les côtes de Flandre pour ordonner cette importante mesure ? — Ma foi, dans une quinzaine, dans une semaine peut-être ; bref, aussitôt que j’aurai châtié, comme ils le méritent, une bande de brigands et de voleurs qui, de même que l’écume du chaudron qui vient toujours en dessus, se sont emparés des hauteurs des Alpes, et de là infestent nos frontières de contrebande, de pillage et de vols. — Votre Altesse veut parler de la confédération suisse ? — Oui, c’est le nom que se donnent ces lourds paysans, espèces d’esclaves affranchis de l’Autriche, qui, semblables à un dogue dont la chaîne est rompue profitent de leur liberté pour saccager et détruire tout ce qu’ils trouvent sur leur passage. — J’ai traversé leur pays en revenant d’Italie, et j’ai entendu dire que les cantons se proposaient d’envoyer des députés demander la paix à Votre Altesse. — La paix ! s’écria Charles, oui-dà ! les procédés de cette ambassade ont été