Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/452

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pliqua le fidèle soldat les larmes aux yeux. « Nous l’entendions prononcer votre nom, comme si ces paroles lui échappaient dans un pénible songe. — En ce cas, je vais me rendre près de lui, dit Oxford ; je vais m’y rendre sur-le-champ. Où se proposait-il d’établir son quartier général ? — Il n’avait rien arrêté lui-même sur ce point, ni sur aucun autre ; mais M. de Contay a indiqué la Rivière, près de Salins, dans la haute Bourgogne, comme l’endroit de sa retraite. — Alors, c’est là qu’il nous faut aller, mon fils, avec toute la promptitude possible. Vous, Colvin, vous feriez mieux de rester ici, et de voir quelque saint homme pour être absous par lui des paroles irréfléchies qui vous sont échappées sur le champ de bataille de Morat. Elles contiennent un péché, sans doute, mais vous l’expieriez mal en quittant un maître généreux lorsqu’il a le plus besoin de vos bons services ; et ce n’est qu’un acte de lâcheté que de se retirer dans un cloître tant que nous avons encore des devoirs à remplir dans ce monde. — Il est vrai, répliqua Colvin, que si j’abandonnais le duc à présent, peut-être ne lui resterait-il pas un homme en état de diriger convenablement un canon. La vue de Votre Seigneurie ne peut opérer que favorablement sur mon noble maître, puisqu’elle a réveillé le vieux soldat en moi. Si Votre Seigneurie peut retarder son voyage jusqu’à demain, je pourrai arranger mes affaires spirituelles, et ma santé corporelle sera suffisamment rétablie pour vous conduire à la Rivière ; et, quant au cloître, j’y penserai de nouveau quand j’aurai reconquis la bonne réputation que j’ai perdue à Murten. Mais je ferai dire des messes et des grand’messes pour les âmes de mes pauvres canonniers. »

La proposition de Colvin fut adoptée, et Oxford, avec son fils, accompagné par Thibaut, passa le jour en préparatifs, sauf le temps nécessaire pour prendre dans les formes congé du roi René, qui parut les voir partir à regret. De compagnie avec le général d’artillerie du pauvre duc, ils traversèrent ces parties de la Provence, du Dauphiné et de la Franche-Comté, qui sont situées entre Aix et le lieu où le duc de Bourgogne s’était retiré ; mais la distance et les inconvénients d’un si long voyage leur firent passer plus de quinze jours en route, et le mois de juillet 1476 était commencé, quand les voyageurs arrivèrent dans la haute Bourgogne, et au château de la Rivière, à environ vingt-sept milles au sud de la ville de Salins. Le château, qui n’était que de peu d’étendue, était entouré de tentes très nombreuses, qui s’élevaient pêle-mêle sans le moindre ordre, contre toute règle militaire, et en violation de la disci-