Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/95

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dictées par la passion et la colère, plutôt que par une considération judicieuse des circonstances où il se trouvait. Hautain, fier, immuable dans ses résolutions, quoique ne manquant ni d’honneur ni de générosité, il méprisait et haïssait les misérables associations de cultivateurs et de bergers unis à quelques villes qui ne subsistaient que par le commerce ; au lieu de courtiser les cantons helvétiques, comme son ennemi rusé, ou du moins de ne leur fournir aucun prétexte ostensible de querelle, il ne manquait nulle occasion de montrer le dédain et le mépris qu’il avait conçus de leur ridicule importance, et d’avouer le secret plaisir qu’il se promettait à tirer vengeance sur eux des flots de sang noble qu’ils avaient versés, et à leur faire expier les innombrables succès qu’ils avaient obtenus sur les seigneurs féodaux dont il s’imaginait être le vengeur prédestiné.

Les possessions du duc de Bourgogne sur le territoire alsacien lui procuraient de nombreuses occasions d’exercer sa rancune contre la ligue suisse. Le petit château et la ville de Ferette, situés à dix ou onze milles de Bâle, servaient comme de lieu de passage au commerce de Berne et de Soleure, les deux principales villes de la confédération. Le duc y plaça un gouverneur ou sénéchal, qui était aussi administrateur des revenus, et qui semblait né tout exprès pour être le fléau et la peste des républicains ses voisins.

Archibald Von Hagenbach était un noble allemand qui avait ses propriétés en Souabe, et qui passait généralement pour le plus barbare et le plus tyrannique des seigneurs de cette frontière, connus sous le nom de chevaliers-voleurs et de comtes-brigands. Ces illustres personnages, parce qu’ils tenaient le fief du Saint-Empire Romain, prétendaient à une souveraineté aussi complète sur leur territoire d’un mille carré, qu’aucun prince régnant d’Allemagne dans ses domaines les plus étendus. Ils levaient des taxes et des impôts sur les étrangers ; ils emprisonnaient, jugeaient et exécutaient ceux qui, à les en croire, s’étaient rendus coupables de crimes sur leurs petites propriétés ; mais surtout, et comme le plus bel usage de leurs privilèges seigneuriaux, ils se faisaient la guerre les uns aux autres, ainsi qu’aux villes libres de l’empire, attaquant et pillant sans merci les caravanes, ou longues files de chariots qui effectuaient alors dans l’intérieur de l’Allemagne les transports de commerce.

Une suite d’injustices commises et souffertes par Archibald d’Hagenbach, qui avait été un des plus barbares partisans de ce