Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/10

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avec les Maures d’Espagne, et fut tué dans la péninsule. Lockhart poursuivit sa route vers la Terre-Sainte avec les chevaliers écossais qui avaient échappé au sort de leur chef, et prit part, pendant quelque temps, à la guerre contre les Sarrasins.

La tradition raconte que l’aventure suivante lui est arrivée.

Il fit prisonnier dans une bataille un émir distingué par son importance et ses grandes richesses. La mère du prisonnier, femme d’un âge avancé, vint au camp des chrétiens pour racheter son fils de la captivité. Lockhart ayant fixé le prix de la rançon du prisonnier, la dame tira de sa poche une large bourse brodée, s’apprêtant à payer, comme une mère qui ne regarde pas à l’or quand il s’agit de la liberté de son fils. Pendant cette opération elle laissa tomber de sa bourse une petite pierre enchâssée dans une pièce de monnaie, qui, selon quelques personnes, était une médaille du Bas-Empire. La vieille dame montra un tel empressement à la ramasser, que le chevalier écossais en conçut une haute idée de la valeur de ce caillou comparativement à celle de l’or ou de l’argent. « Je ne consentirai pas, dit-il, à donner la liberté à votre fils, si vous n’ajoutez pas cet amulette à la rançon convenue. » La dame non seulement y consentit, mais encore expliqua à sir Simon Lockhart la manière dont il devait se servir de ce talisman, et l’usage qu’il pouvait en faire. L’eau dans laquelle il était plongé devenait un puissant fébrifuge, un excellent styptique, et acquérait encore plusieurs autres propriétés médicales.

Sir Simon Lockhart, après avoir fait plusieurs fois l’expérience des miracles qu’il produisait, l’apporta dans son pays ; il le laissa à ses héritiers. Ses descendants et tous les habitants du Clydesdale désignent encore cet amulette sous le nom de Lee-Penny, Lee étant le manoir où sir Simon était né.

La partie la plus remarquable de l’histoire de ce talisman est peut-être celle qui concerne la manière singulière dont il échappa à la condamnation que l’Église d’Écosse porta contre plusieurs autres remèdes qui se donnaient pour miraculeux, prétendant qu’ils provenaient de quelque sorcellerie : elle en défendit solennellement l’emploi, exceptant seulement cet amulette, appelé Lee-Penny auquel il avait plu à Dieu d’attacher quelques vertus médicales que l’Église ne pensait pas devoir condamner. Ce talisman, comme on l’a dit, existe encore, et quelquefois on a recours à son pouvoir. Dans les derniers temps, il n’a guère été employé que pour guérir les personnes mordues par des chiens enragés, et comme dans ces cas-